INTRODUCTION :
La récurrence de déficits budgétaires dans un contexte économique morose a conduit, durant les neuf dernières années, à une augmentation importante (mais maîtrisée) du poids de la dette en Guinée ; afin de pallier son financement dans les meilleures conditions pour l’Etat sans autant peser trop sur les conditions de financement de l’économie nationale, une politique de gestion active de la dette publique a été mise en œuvre. Les engagements financiers pour l’essentiel ont toujours été respectés, et ce, dans des conditions financières relativement avantageuses, dénotant un impact certain de la politique menée en la matière.
Cependant, la situation actuelle découle en partie de taux d’intérêt faibles (concessionnels) et ne saurait occulter le fait que les engagements à long terme risquent de peser de manière croissante sur la soutenabilité de la dette publique. La charge induite par une dette publique qui représente désormais l’équivalent de plus de 45% du PIB suscite désormais des inquiétudes dues à un passé peu reluisant de notre pays.
Face à la hausse continue de l’encours de la dette et le débat houleux entre partisans et adversaires des politiques menées actuellement dans notre pays, des outils de gestion performants ont été mis en place permettant à l’Etat de disposer des financements dont il a besoin à moindre coût.
Après l’introduction, nous allons définir la dette et la gestion de la dette suivie par une brève revue de la littérature ; l’évolution de la dette ; les difficultés liées à sa réduction ; le plan financier du Gouvernement ; la politique de la gestion de la dette ; les principes de gestion de la dette ; le bilan de la gestion de la dette ; les moyens de la dette et la conclusion.
DÉFINITION DE LA DETTE PUBLIQUE :
La commission européenne définit la dette publique comme le total des dettes brutes, à leur valeur nominale en cours à la fin de l’année et consolidées à l’intérieur du secteur des administrations publiques. Outre la dette de l’Etat, la dette publique inclut donc également celle des collectivités locales et des organismes qui en dépendent et des régimes d’assurance sociale.
DÉFINITION DE LA GESTION DE LA DETTE :
Gérer la dette publique, c’est aussi bien suivre l’évolution au quotidien de la valeur des titres de l’Etat sur les marchés financiers et évaluer la capacité de l’Etat emprunteur à pouvoir honorer, dans une génération, la dette qu’il contracte aujourd’hui. Cette diversité d’horizons temporels est au cœur de la gestion de la dette publique. En effet, celle-ci, consiste à la fois à assurer chaque jour la couverture des besoins financiers des administrations publiques au meilleur coût et, dans le même temps, à veiller à la compatibilité à long terme entre charge de la dette et la situation de l’économie.
BRÈVE REVUE DE LA LITTÉRATURE :
Dans le capital au XIXème siècle, Thomas Piketty rappelle que depuis longtemps les gouvernements occidentaux ont préféré s’en remettre à l’inflation pour faire diminuer la valeur réelle des emprunts contractés auprès des épargnants nationaux. Cela équivalait en pratique à une spoliation mais, victimes de l’illusion monétaire, les épargnants en étaient plus ou moins conscients. Cependant, si la situation change et que la déflation menace davantage que l’inflation ; ce sont les gouvernements qui risquent de perdre au change et de se retrouver avec une dette accumulée qui croisse en valeur réelle. C’est l’une des raisons peut être qui amènent les Etats à ne plus se limiter à payer les intérêts sur la dette mais de procéder également au remboursement du capital emprunté. Quant à la politique keynésienne, elle pose comme hypothèse que le Gouvernement doit faire des déficits et par conséquent s’endetter pour stimuler ou relancer la croissance économique, et rembourser les dettes quand l’économie progresse normalement. Cette politique prévoit que les déficits et les excédents s’équilibrent à l’intérieur d’un même cycle conjoncturel. Ce qui semble le cas dans les pays à faible épargne et confrontés à des besoins énormes de financements du développement.
EVOLUTION DE LA DETTE :
L’indicateur de mesure le plus adéquat de l’endettement de la Dette de l’Etat et le plus suivi par les partenaires techniques et financiers, les agences de notation ainsi que les acteurs communautaires c’est le poids de la dette brute en pourcentage du PIB. Cette dette constitue la source de l’ensemble des charges d’intérêts que le Gouvernement doit supporter annuellement.
Où en est la dette de la Guinée actuellement ? Selon les données du FMI l’encours de la dette en 2019 était de 45,4% du PIB, il doit atteindre 44,8% du PIB en 2020.
L’Etat Guinéen n’a pas besoin de se fixer de nouvel objectif pour la réduction de son endettement. Il est tenu de s’aligner aux critères de convergence communautaires de la CEDEAO qui engagent le Gouvernement à réduire le poids de sa dette brute à un niveau inférieur à 70% du PIB.
Tableau
EVOLUTION DE L’ENCOURS DE LA DETTE EN % DU PIB de 2010 à 2021 :
ANNEES | 2010 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 |
% | 99,64 | 35,44 | 39,46 | 41,14 | 40,89 | 40,60 | 38,20 | 45,50 | 44,80 | 43,3 |
SOURCE : FMI
En 2010, avant l’atteinte du point d’achèvement de l’IPPTE, le rapport Dette/PIB était de 99,64% du PIB. Les efforts des Gouvernements successifs et la volonté politique l’ont ramené à 35,44 % depuis L’année 2012. Depuis cette date, la récession due à l’épidémie à virus Ebola, la diminution des investissements étrangers, ainsi que les tensions sociales et politiques ont fortement ralenti la croissance économique de 2013 à2014, de sorte que le rapport dette/PIB de la Guinée a augmenté à 39,46% en 2013 et 41,14% en 2014. Cette tendance haussière persiste après une période de baisse entre 2015 et 2018, elle atteint 45,4% en 2019 avec une prévision de 43,3% en 2021. En effet, en 2017, le rapport dette/PIB de la Guinée qui était de 40,6%. Les efforts des autorités politiques et économiques l’ont ensuite diminué à 38,2%. Cependant, entre 2018 et 2019 ce rapport atteint 45,4% du PIB soit une hausse de 7,2% par rapport à 2019.
Cette hausse de 7,2% n’est pas énorme. En fait, sur la même période, le rapport dette/PIB a augmenté encore plus dans les pays voisins de la sousrégion à économies relativement plus stables (63,7% en Côte d’ivoire et 64,4% en 2019). Si cette hausse ne nous semble pas énorme comparé au critère de convergence de la CEDEAO (DETTE/PIB moins de 70%) ; cependant, la dette étant très lourde en Guinée au départ, ce qui nous amène à soutenir que cette hausse de 7,2% enregistrée depuis 2019 ne doit pas être prise à la légère car la tâche de réduire la dette ne sera pas facile à accomplir en guinée pour un ensemble de raisons :
1-Les perspectives de croissance à deux (2) chiffres ne sont plus à l’ordre du jour pour les prochaines années dû essentiellement au contexte de morosité qui caractérise les économies (y compris les partenaires économiques de la Guinée) impactées par les phénomènes conjoncturels et structurels. La croissance économique perd de sa vitalité des années 2016 et 2017, les revenus fiscaux de l’Etat risquent de prendre un coup.
2-Le faible taux de pression fiscale moins de 14% contre 18% en moyenne régionale pour un objectif de 20%. Ce qui nous semble incompréhensible après plus de 8ans de réformes fiscales appuyé par une volonté politique clairement affichée au plus haut niveau.
3-La faiblesse de l’épargne intérieure pour le financement du développement 4-Le poids des jeunes et les besoins en infrastructures sont des obstacles au ralentissement de l’investissement dans notre pays : plus d’écoles ; plus de cantines scolaires, de centres de santé ; de routes ; de barrages et le financement du secteur rural.
5-Les coûts élevés pour les entretiens et la réhabilitation des infrastructures existantes et la qualité des infrastructures en termes de durabilité.
- La question de l’amélioration de la Gouvernance de façon générale particulièrement sur la gestion des marchés qui absorbent l’essentiel des ressources d’emprunt mobilisées pour faire face à leur réalisation.
- La nécessité d’investir dans la construction de nouvelles infrastructures, la réhabilitation de celles détruites, entretenir les infrastructures désuètes depuis des années en vue de combler le retard : Le vieillissement des infrastructures du fait du manque d’investissements pendant plusieurs décennies et la nécessité du rattrapage en termes de construction et de réhabilitation. Ces défis importants ne peuvent être financés uniquement par les ressources budgétaires. D’où la nécessité d’emprunt en partenariat avec les pays et institutions partenaires de la Guinée pour développer : Le partenariat public- privé et l‘amélioration du climat des affaires
- La situation difficile des entreprises d’Etat guinéenne (exemple EDG) pourrait aggraver le problème.
- A court terme, l’instabilité politique et les troubles sociaux liés à la gestion des élections présidentielles pourront être des facteurs de baisse de la croissance.
- Notre économie continue de reposer sur l’exportation des produits très peu ou pas transformés, et que son agriculture (cajou, coton, café, cacao…) fonctionne essentiellement dans l’informel.
- Le moratoire sur la dette qui représente un répit pour le pays, permettra de dégager des marges budgétaires pour faire face à la crise sanitaire due à la pandémie et la crise économique née de cette crise.
- La nécessité de financer le Plan National de Développement Economique et Social(PNDES) exige les autorités à recourir à des ressources extérieures, mais dans la limite de la qualité des projets et des capacités des finances publiques pour garantir un profil de remboursement acceptables des projets financés dans la mise en œuvre du plan. Pour toutes ces raisons, les efforts de réduction de la dette ne seront pas faciles à réaliser.
La tâche de réduire la dette ne sera pas facile à accomplir :
Le stock qui était de 1,344 milliard USD en 2013 est estimé à plus de 4 milliards USD en 2020. Soit un accroissement de plus de 197% ;Ce qui peut être trop pour beaucoup d’observateurs pour un pays qui vient à peine de bénéficier de l’initiative des pays pauvres très endettés(IPPTE).
La voie que les finances de notre pays doivent suivre dans les années à venir est bien indiquée. Il faut d’abord que le rapport dette/PIB cesse d’augmenter d’une année à l’autre plus que le niveau d’augmentation de l’économie ; puis soit maintenu au-dessous de 70%. Cette tâche sera difficile à accomplir. Car, d’une part ; les économies de la sous-région ouest africaine et celles de nos principaux partenaires connaissent des taux de croissance revus à la baisse pour fait de crise sanitaire et d’autres effets conjoncturels. Les taux d’inflation sont maîtrisés. Les perspectives économiques à long terme pour la région et l’ensemble du continent restent peu favorables dû essentiellement à l’apparition du coronavirus et les tensions sur les marchés.
Le programme financier du Gouvernement nous semble être dans la bonne direction : La loi de finances proposée par les autorités budgétaires et financières en 2020 nous semble engager la Guinée dans la bonne direction. Nous espérons fortement que les mesures annoncées dans le budget de 2020 pour augmenter les ressources et les dépenses du Gouvernement ont la crédibilité nécessaire pour convaincre les bailleurs de fonds ; les acteurs de la société civile et l’opinion de sa détermination à relever le défi de la réduction de la dette.
Il faut saluer les efforts du Gouvernement au vu du résultat obtenu en si laps de temps en matière de réduction du niveau d’endettement du pays par rapport à un passé récent de la gestion économique et financière de notre pays. Cependant, en agissant de façon rapide pour réduire le niveau de la dette pour attendre des objectifs d’ordre financier, cela peut nous faire courir un ensemble de risques.
Cette évolution bien que compréhensible du point de vue financier, pourrait réduire la croissance économique (un ralentissement économique peut conduire à un déficit plus élevé) ; à la stabilité sociale (le risque de déclencher une dure confrontation politique avec les acteurs sociaux particulièrement la santé et l’éducation) et à l’efficacité de l’administration publique (blocage des salaires, perte de meilleurs éléments). Ce qui nécessite une réflexion sur le contenu de la politique de gestion de la dette.
La politique de gestion de la dette :
En réponse à cette augmentation continue de son besoin de financement et de son niveau d’endettement ; l’Etat a consenti un effort important ; entrepris dans les années 2011, de modernisation de la gestion de sa dette. L’enjeu est double. Il s’agit d’abord d’assurer la couverture des besoins financiers de l’Etat en toute circonstance dans un contexte où ceux –ci sont historiquement élevés et le financement monétaire du déficit est fortement réglementé. D’autre part, l’effort de gestion vise à limiter autant que possible les charges induites par une telle dette en améliorant le niveau relatif de son coût de financement. La croissance de la dette et l’effort pour en améliorer la gestion apparaissent ainsi indissociables.
Parmi les éléments de cette politique, on peut citer :
- Le renforcement du contrôle en matière de gestion de la dette –le renforcement de la transparence
- La mise en place d’un cadre juridique et institutionnel
- Et la formation et le renforcement des capacités du personnel en charge de la gestion de la dette.
Pour mettre en œuvre et mener efficacement ces objectifs, l’Etat s’est en outre adjoint depuis 2012 un ensemble de partenaires financiers aussi bien bilatéraux que multilatéraux dont la France, la Banque mondiale, le FMI et la BAD etc.
Les principes de gestion de la dette :
Depuis plusieurs années notre pays est devenu un émetteur récurrent et stable auprès des investisseurs nationaux et internationaux, l’Etat guinéen a adopté un certain nombre de principes pour la gestion de sa dette, auxquels il se conforme depuis près de 9ans. Refusons les comportements opportunistes jugés plus coûteux à long terme. Simplicité et liquidité de la dette guinéenne sont les deux premières caractéristiques de ces engagements.
Le souci de transparence et le respect des engagements guident également l’action des gestionnaires de la dette Guinéenne. Par exemple l’annonce chaque année d’un programme d’émission à moyen et long terme auquel l’Etat se tient en cours d’année sont des mesures de politiques publiques à salue Quel bilan pour la gestion de la dette de l’Etat ?
Pour diminuer un endettement qu’il juge excessif, le Gouvernement Guinéen a opté pour une politique de déficit maîtrisé (proche de déficit zéro) en respectant les critères de convergence de la CEDEAO. Cependant, le déficit zéro prive le Gouvernement d’un instrument majeur de politique publique en période de récession. Il serait préférable que les Autorités se contentent de rembourser les emprunts selon les échéances correspondant au motif de l’emprunt et que ces échéances soient clairement indiquées dans les documents budgétaires.
Par exemple : un emprunt pour financer des infrastructures routières pourrait être rembourser sur une période de 15 à 30 années et un déficit pour la relance conjoncturelle sur une période de 3 à 5 années. Les politiques publiques y gagneraient en transparence et les contribuables que nous sommes seraient mieux assurés d’une gestion responsable des ressources confiées au Gouvernement. Bref, il aurait été souhaitable que l’avant dernier budget précise sur quelle période le Gouvernement entend rembourser les 1600 milliards de GNF qu’il ajoutera à sa dette de 2020–2021. Le Gouvernement serait amené à rompre avec cette pratique qui consiste à très peu rembourser la dette ou à ne le faire que lentement.
Au regard de l’effort spécifique de l’Etat pour gérer sa dette, on peut légitimement s’interroger sur la qualité des résultats obtenus. Le premier constat d’ordre général qui s’impose est que l’objectif de couverture du besoin de financement a été pleinement atteint. A travers les chiffres, on peut affirmer (sauf surprise) que notre pays n’est pas engagé dans une course effrénée à l’endettement.
L’un des acquis de la politique de la gestion de la dette est d’être parvenu à toujours financer les besoins de trésorerie de l’Etat, quelle que soit l’évolution de l’exécution budgétaire en cours d’années et ses difficultés réelles lors de certains exercices.
La politique actuelle de la gestion de la gestion dans notre pays est sous maîtrise pour les raisons suivantes :
- Le ratio Dette/PIB est largement en dessous des normes communautaires ;
- L’existence d’une stratégie d’endettement en rapport avec les objectifs de la politique économique dans le cadre du programme avec le FMI ;
- Les dettes contractées sont pour l’essentiel adossées à des projets structurants qui peuvent dégager des ressources pour leurs remboursements (exemple : barrages) ; Cette politique si elle est bien menée, vise à générer des marges financières importantes ; privilégier une dette qui pourra s’auto entretenir, sans dégrader la situation des finances publiques de notre pays, ce qui est une réforme majeure par rapport à un passé récent de la gestion de la dette dans notre pays.
- En termes financiers, on pourrait être tenté d’évaluer la gestion de la dette en rapprochant simplement l’encours moyen de la dette de la charge budgétaire nette ; la part des ressources concessionnelles reste plus importante.
5-Il faut souligner que les ressources d’emprunt ont largement contribué à financer les dépenses d’investissement qui ont permis d’atteindre des taux de croissance à deux chiffres dans notre pays au cours des dernières années et ramené le PIB par habitant de 513,3 USD en 2013 à 1031 USD en 2020. Les domaines d’investissement touchés par les ressources d’emprunt sont à notre avis appropriés par rapport aux besoins du pays : les routes ; écoles ; hôpitaux ; forages ; aménagement et équipements agricoles ; aménagements énergétiques ; les technologies de l’information et la communication ;
Les logements sociaux et pistes rurales. Les projets qui vont tirer le développement économique et social dans les prochaines années sont essentiellement dans les secteurs des énergies renouvelables, des infrastructures, des mines, des infrastructures, de l’agro-industrie ainsi que de l’assainissement. –
« Les conditions de financement de la Guinée restent encore plus favorables ».
La Guinée a-t-elle les moyens de sa dette :
Face au poids croissant de l’encours de la dette sur l’équilibre des finances publiques en général, se pose la question de l’effet d’éviction potentiel de la charge de la dette sur les autres composantes de la dépense publique. Ce risque est d’autant plus fort que le solde budgétaire est désormais encadré par les procédures communautaires, plus sensible la contrainte sur les autres dépenses ou, à défaut sur les prélèvements obligatoires.
Cependant, il est difficile comme le confirme la littérature en la matière, d’apporter une réponse tranchée à cette interrogation. Cette dynamique de la charge de la dette joue de façon plus sensible à un second niveau, celui du solde primaire, c’est à dire le niveau du solde budgétaire avant charge de la dette, qui est négatif en Guinée depuis près de deux décennies.
En d’autres termes, les recettes ne permettent pas de couvrir les dépenses hors charges de la dette, celles-ci doivent être financées par de nouveaux emprunts, alimentant la progression dynamique de l’encours de la dette publique. A long terme, l’équilibre budgétaire n’est assuré que si les dettes ne croissent pas plus rapidement que le Produit Intérieur Brut(PIB). Ce n’est qu’à cette condition que l’Etat pourra disposer de suffisamment de marge de manœuvre pour maîtriser des difficultés inattendues ou extraordinaires. Il faut à tout prix empêcher que les générations futures ne puissent plus financer les tâches essentielles de l’Etat à cause de l’endettement des générations précédentes.
La politique budgétaire de notre pays sera davantage plus judicieuse à long terme si la croissance de la dette n’est pas plus rapide que celle du PIB, autrement dit, que le taux d’endettement reste stable. Ce taux est acceptable si l’Etat peut financer sa dette sans devoir restreindre l’exécution de ses tâches essentielles. L’équilibre du compte financier sur un cycle conjoncturel entier permet de stabiliser l’endettement et fait donc baisser le taux d’endettement lorsque l’économie croît.
Les effets de la charge de la dette se font enfin ressentir au niveau de l’économie tout entière. Une des façons d’évaluer en tendance l’acuité de cette question est de comparer le rythme de croissance effectif de l’économie et celui des taux d’intérêt pesant sur la dette. Lorsque le niveau des taux d’intérêt est supérieur à celui de la croissance, le poids de la dette rapporté au PIB augmente mécaniquement créant un effet « boule de neige » que viennent aggraver ou corriger le niveau du solde primaire et les autres déterminants du niveau d’endettement public.
Le recours aux marchés non concessionnel pour financer les investissements prioritaires sont dans une certaine mesure un motif d’inquiétude si la transparence et l’efficience n’accompagnent ces programmes d’investissement qui coûtent très chers à nos finances publiques et qui nécessitent plus de transparence et de clarté dans leur gestion. Heureusement que notre pays ne se trouve pas encore dans cette situation car le dynamisme de notre croissance depuis ces trois dernières années permet d’éviter ce risque tant que cette tendance perdure.
Si nous saluons les efforts des autorités pour l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE qui a permis à la Guinée de résoudre le problème de surendettement : Elle a permis au pays de réaliser des résultats escomptés en termes financier et de réalisation des projets et surtout de restaurer la soutenabilité de la dette publique et la viabilité de nos finances publiques. Cependant la gestion de la dette après le PPTE doit nécessairement tenir compte des capacités réelles de notre Etat et de la qualité des projets à financer, pour éviter des risques de surendettement et des dettes sans impacts économiques réels.
Conclusion
A la lumière de ce qui précède, une question de fond peut être posée : à quel niveau faut-il stabiliser la dette de l’Etat ? L’endettement de l’Etat n’est à priori pas une chose néfaste : les dépenses des pouvoirs publics ne doivent pas toujours être entièrement et simultanément couvertes par des recettes équivalentes.
Il n’est toutefois guère possible de déterminer quelle est la « dette optimale ». Même les économistes de renom ne sont pas en mesure de donner aux responsables de la politique économique des recommandations précises à ce sujet.
La majorité des opinions s’accorde néanmoins sur le point suivant : le paramètre essentiel ce n’est pas tant l’endettement en lui-même, mais son rapport à l’ensemble de la valeur ajoutée de l’économie. Les dettes des pouvoirs publics doivent dès lors être considérées à la lumière de la possibilité qu’a l’économie de les supporter.
Une politique financière ne saurait en effet être jugée « durable » à long terme, que si la croissance de la dette publique n’est pas plus rapide que celle du PIB, autrement dit, lorsque le taux d’endettement reste proportionnellement stable dans le temps. Il s’agit en fait d’empêcher que, par la conjugaison défavorable de déficits budgétaires, de taux d’intérêt élevés en terme réels et d’une faible croissance économique, le taux d’endettement n’entraîne une dynamique déstabilisatrice, une « spirale d’endettement ».
Pour éviter un surendettement après plusieurs années d’efforts et minimiser les risques et les coûts liés à l’endettement, les autorités peuvent s’engager à donner une nouvelle orientation à la politique d’endettement qu’elles envisagent à travers :
- Le choix porté sur les prêts concessionnels dans le cadre de l’endettement extérieur
- La priorisation de l’endettement à moyen et long terme au niveau de la dette intérieure
- Le renforcement des capacités d’analyse du personnel en charge de la gestion de la dette par la formation
- Une surveillance accrue des ratios de la dette
- La mise en place d’une institution de gestion de la dette qui répond aux standards internationaux
L’exigence minimale à laquelle doit répondre la politique budgétaire est donc de ne pas laisser s’accroître le taux d’endettement pendant une longue période.
L’effort de gestion de la dette publique guinéenne est sans doute encore inachevé. Des progrès majeurs et fructueux ont certes, été accomplis pour assurer que l’Etat puisse à tout moment satisfaire ses engagements, et ce au moindre coût.
Cependant, à côté de cette entreprise indispensable de modernisation et de mise en place d’une gestion performante, une démarche d’un autre ordre doit à présent être engagée, alliant évaluation globale de la situation des administrations publiques et mise en place de mécanisme de contrôle de gestion nationale et communautaire.
A moins d’un miracle, le taux de croissance de notre économie (inflation comprise) oscillera entre 5,9% à 6% par année dans l’avenir selon les estimations du FMI plutôt qu’autour de 10% comme dans les années 2016 et 2017.Les besoins de financement du pays iront en croissant dû essentiellement à un accroissement naturel des populations, les besoins de santé et d’éducation ainsi que la vétusté des infrastructures économiques et sociaux sur l’ensemble du territoire.
En réponse à cette augmentation continue de son besoin de financement et de son niveau d’endettement et conscient que nous avons encore plusieurs années pour atteindre la cible régionale d’un rapport DETTE/PIB de 70% ; la prudence nous semble être la règle. Se précipiter pour atteindre un objectif de réduction du niveau de la dette n’est vraiment pas du tout nécessaire et c’est risqué si nos autorités devraient prendre cette direction car cette décision peut entraîner :
- Une baisse de la croissance économique,
- Accroitre des tensions sociales et politiques
- Augmenter le chômage et la pauvreté qui sont déjà à un taux anormalement élevé et
- Renforcer la démoralisation de l’administration publique
Pour cette raison ; il y aurait moyen d’adopter comme solutions :
- Un plan financier plus crédible et moins risqué en allongeant sa réalisation sur un horizon plus long(5 à 10 ans par exemple)
- Améliorer la qualité des dépenses d’investissement qui absorbent l’essentiel des ressources d’emprunts intérieur et extérieur contractés
- Optimiser la productivité des administrations fiscales car il est difficilement compréhensible qu’après plus de 8 années de reformes, et l’existence de niches possibles d’augmentation de l’espace budgétaire par l’assiette sans hausse du taux d’imposition que le taux de pression fiscale soit toujours en deçà de 14% dans notre pays contre 18% en moyenne régionale malgré la volonté politique clairement affichée par les autorités au plus haut niveau.
- Accroître l’endettement intérieur (en GNF) à travers les banques en situation de sur liquidité
- Améliorer la Gouvernance économique et financière à travers plus de transparence et de traçabilité
- Faire recours aux agences de notation financière pour accroître la crédibilité du pays pour plus d’emprunt sur les marchés et à moindre coût et
Mettre en place un système de contrôle efficace de gestion de la dette : Ce système de contrôle doit s’inscrire dans un jeu institutionnel clairement défini, indépendamment de considérations politiques évidentes, en termes de contrôle démocratique, la bonne définition des rôles respectifs du parlement, du Gouvernement et de l’échelon communautaire présente aussi un intérêt économique.
La mise en place d’un mécanisme de contrôle de gestion de la dette publique doit en effet permettre de renforcer la crédibilité de l’action publique dans ce domaine très sensible, et garantir aux yeux des marchés que la soutenabilité de la dette publique est bien assurée au cours du temps. Comme pour tout emprunteur, un tel progrès dans l’information et la gestion au sen large doit permettre de réduire le coût relatif de son financement.
L’évolution du niveau de la dette publique guinéenne (bien qu’elle soit sous contrôle), montre l’opportunité de poursuivre sans attendre dans cette voie qui nous semble être celle de la prudence et de la performance car notre pays dépendra encore pendant très longtemps des emprunts extérieurs et intérieurs pour financer son développement économique et social qui impose une gestion plus transparente pour plus d’efficacité et de crédibilité. Une gestion efficace de la dette doit impulser les bases d’une croissance forte et inclusive pour une lutte efficace contre le chômage et la pauvreté dans notre pays.
Par Mamady Condé /MC/MASTER2 BANQUE FINANCE/ETUDES DU DÉVELOPPEMENT
Tel: 628 10 63 05/669 08 25 29