COMMUNIQUE DE PRESSE N° 3 DU COMITE DE SUIVI DU PROCESSUS ELECTORAL/CNOSCG
Ce présent communiqué est le 3ème du type élaboré par le comité de suivi du processus électoral institué par le CONSCG depuis le démarrage par la CENI, de toute une série d’activités liées au processus électoral. Il porte sur le déroulement de la campagne présidentielle.
En effet, le CNOSCG fidèle à sa tradition de structure de veille, d’alerte, d’interpellation et de proposition citoyenne et conformément aux objectifs prioritaires de son comité de suivi à savoir:
- Assurer le suivi régulier de toutes les opérations du processus électoral avant, pendant et après le scrutin ;
- Publier des rapports d’étape pour informer en toute objectivité, l’opinion nationale et internationale sur le déroulement du scrutin dans toutes ses phases en vue de corriger éventuellement les irrégularités pouvant être de nature à préjudicier le processus.
C’est dans ce cadre que le comité de suivi avait assuré préalablement l’observation de quatre principales activités à savoir :
- La révision exceptionnelle des listes électorales ;
- La fixation du cautionnement et le plafonnement des dépenses de campagnes ;
- La convention des partis politiques et le dépôt des dossiers de candidature ;
- La formation des acteurs de la Société Civile et ceux des médias sur le concept BRIDGE.
Au titre de cette activité uniquement axée sur l’observation de la campagne électorale, le comité de suivi s’est substantiellement appuyé sur les informations récoltées et relayées sur le terrain par l’Observatoire Citoyen de la Gouvernance et de la Redevabilité (OCGR). Cette structure mise sur place par le CNOSCG, est chargée de faire le monitoring de la campagne présidentielle à travers ses 76 observateurs communaux déployés sur toute l’étendue du territoire national. Le comité s’appuie également sur d’autres moyens crédibles de collecte des données.
Ainsi, sans aucune surprise, la campagne des élections présidentielles du 18 octobre 2020, s’est ouverte sur fond de vives tensions politiques, d’un climat électoral tendu du fait du déficit sévère de confiance entre acteurs engagés dans le processus, des discours officiels incitant à la haine et à la préférence ethnique, des propos encourageant le repli identitaire, la violence civile et la remise en question du vivre ensemble Guinéen. Son déroulement également ne fait pas échec à ce tableau sombre de la réalité électorale dans notre pays.
C’est donc sur un constat d’inquiétude persistante et de regret profond que le comité de suivi du processus électoral a été amené à produire ce 3ème communiqué dont la teneur en termes de discours et de faits incidents sur le terrain, obéit à cette chronologie retracée ainsi qu’il suit :
A Kankan, le 23 septembre 2020, le candidat du RPG-AEC en même temps Président de la République, s’adressant en visioconférence à ses militants, avait tenu un discours de campagne d’une énorme gravité. Ses propos en plus d’avoir des relents identitaires et régionalistes, incitaient à la division et à l’exclusion. Ensuite, il avait été relevé toujours à Kankan, des affrontements à caractère ethnico-politique.
A Siguiri le 24 septembre 2020, il avait été enregistré dans le discours toujours du même candidat du RPG-AEC, des propos de nature régionaliste et communautariste.
A Conakry le 24 septembre 2020, le candidat de l’UFDG a tenu des propos va-t’en guerre, prédisposant ses militants et sympathisants à la violence et au chaos.
Le même jour à Kissidougou, lors de la campagne du RPG-AEC, un accident mortel ayant entraîné la mort de 5 personnes a été enregistré.
A Labé le 29 septembre 2020, il a été constaté des affrontements entre militants non encore identifiés, des jets de pierres ayant causé des dégâts matériels et des blessés graves.
A Dalaba, le même jour, il a été constaté l’érection des barricades sur la route, des jets de pierres sur le cortège du premier Ministre /directeur de campagne du RPG-AEC, des boutiques vandalisées, un véhicule incendié par des militants de l’UFDG. Et une personne tuée par balle.
Le même jour à Faranah, en représailles contre les violences enregistrées à Labé et à Dalaba, les militants de l’UFDG ont été empêchés de mener leur campagne. Dans ces affrontements, la ville a enregistré 40 boutiques vandalisées, 80 blessés et une personne tuée.
A Kouroussa le 1er octobre 2020, les militants du PADES ont été empêchés de terminer leur campagne du fait des menaces suivies de bagarres venant des militants du RPG-AEC.
Le lendemain, les observateurs ont déploré un affrontement entre les militants du RPG-AEC et ceux du PADES sans aucun blessé.
Le même jour du côté de Dubréka, après le démarrage de la campagne en toute sérénité, le renversement d’un minibus transportant des militants a engendré des blessés graves qui ont finalement été transportés à Conakry.
A Kankan, le 2 octobre 2020, les observateurs ont relevé lors de la campagne de l’UFDG, notamment dans le quartier Banankoroda, des pillages de matériels.
Le même jour à Kérouané, un accident ayant entrainé plusieurs blessés avait été enregistré dans les rangs des militants du RPG-AEC.
A kankan, le 4 octobre 2020, les observateurs de l’OCGR ont constaté avec regret, l’intensification des menaces, la multiplication des pillages de biens matériels appartenant aux militants de l’UFDG, en prélude de l’arrivée de leur leader dans la ville le Lundi 5 octobre 2020. Ces scènes de pillages sont remarquables dans le quartier Hèrèmakono 2 ou un responsable du parti (UFDG) a vu sa maison saccagée et vidée de son contenu plus ses biens matériels qui ont été emportés. A noter également qu’au quartier Missiran, les tensions sont restées très vives avec des violences infligées à un jeune dont le seul crime fut de prendre les images de la scène. Ce qui a amené les observateurs de l’OCGR à quitter les lieux pour sauvegarder leur sûreté et sécurité.
A Conakry, le 10 octobre 2020 dans le quartier Yattaya Fossidet, affrontements violents entre les militants du RPG-AEC et ceux de l’UFDG lors du passage du cortège de ces derniers avaient entraînés deux morts par accident.
A Tokounou, le 11 octobre 2020, le cortège de l’UFDG a été empêché par des militants surchauffés du RPG-AEC, d’accéder à la ville de Kankan pour tenir son meeting. Il est à déplorer le même jour, la mort d’un citoyen à kankan par coup de poignard.
A Faranah le même jour, le cortège de l’UFDG a été la cible de jets de pierre ayant causé des dommages sérieux sur les véhicules de campagne.
A la lumière de ce qui précède, le comité de suivi relève avec regret les constats suivants :
- Des discours politiques d’une irresponsabilité grave et inédite ;
- Une montée en flèche des extrémismes de tous bords, menaçant la paix et l’unité nationale ;
- Une campagne électorale mettant beaucoup plus en avant l’ethnie, la région, la communauté que des projets de société viables;
- La polarisation des foyers de tension en Haute Guinée ou entre les 2 et 4 Octobre 2020, des violences entre les militants de l’UFDG et ceux du RPG-AEC dans les quartiers Banankoroda, Hèremakono 2, Missira et Bordeaux ont donné lieu à:
- 19 personnes blessées dont 5 graves et hospitalisés ;
- des maisons et cases de campagnes des partis politiques d’opposition vandalisées et vidées de leurs contenus, des biens matériels emportés dont (30 motos, 3 écrans de télévisions, des chaises, des groupes électrogènes et des banderoles ;
- une intervention tardive des forces de l’ordre ayant empêchée de limiter ou de minimiser les dégâts.
- Des affichages anarchiques et sauvages des banderoles et effigies de campagne ;
- L’incivisme grave et notoire des militants de la plupart des partis politiques qui se livrent souvent à des actes de provocations sur la voie publique, des injures grossières, empêchant de paisibles citoyens de circuler librement ;
- L’indifférence des leaders de partis politiques face à ces menaces;
- L’utilisation illégale et abusive des moyens de l’Etat en faveur du candidat du RPG-AEC ;
- L’abandon total de l’administration par les par administrateurs aux profits de la campagne présidentielle ;
- Une campagne électorale qui se déroule en violation systématique et flagrante des règles établies par l’état d’urgence sanitaire ;
- L’implication éhontée des enfants mineurs vêtus d’accoutrement de partis politiques, réquisitionnés pour la plupart, pour grossir les rangs des militants et sympathisants;
- L’incurie des forces de l’ordre sur la plupart des théâtres d’affrontements rendant inéluctable la survenue des violences et parfois des drames.
Sur la base des constats ci-dessus déplorés, le comité exige vivement à l’ensemble des acteurs ce qui suit :
- La multiplication par les leaders politiques de messages d’appels au calme et à la retenue ;
- L’initiation urgente de démarches d’éducation et de sensibilisation citoyennes des militants conformément à la charte et au code de bonne conduite des partis politiques ;
- Une action urgente et efficace de la HAC pour censurer les discours susceptibles de compromettre la paix et stabilité nationales ;
- Une implication active des autorités judiciaires pour traduire en justice, tous les auteurs de propos et actes de nature à troubler l’ordre public et la cohésion nationale;
- Le retrait systématique et sans délais de tous les moyens de l’Etat engagés dans cette campagne dans le but non seulement de veiller au respect de l’égalité des armes, mais aussi et surtout, à la sauvegarde des derniers publics ;
- L’activation des forces de défenses et de sécurité en vue de prévenir et/ou de réprimer les atteintes à l’ordre public ;
- L’arrêt systématique sous toutes ses formes, des violences de campagne qui risquent de dégénérées en conflit civil ;
- L’intervention neutre et responsable des forces de défenses et de sécurité, pour assurer la sécurité des personnes et des biens, conformément à leur mission républicaine ;
Le CNOSCG se réserve le droit de traduire devant les tribunaux y compris internationaux, tous les auteurs de propos ou actes incitant à la violence, à la haine et à la division ethnique.
Conakry le 13 octobre 2020
Le comité de suivi du processus électoral