L’assassinat de Cabral fait l’objet de beaucoup de supputations, voire de désinformations. En témoigne la vidéo virale de l’association Pottal fi Banthal sur Youtube. Une vidéo autant ridicule que triste qui accuse sans preuve le Président Sékou Touré d’avoir fait assassiner son Camarade et protégé Amilcar CABRAL. J’ai donc décidé de tirer le vrai du faux pour éclairer à l’opinion, surtout les plus jeunes. Vous serez certainement nombreux à trouver inutile ma démarche de vouloir répondre à de telles inepties, si c’est le cas, vous avez certainement vos raisons. Mais quand on sait que l’une des principales préoccupations du Grand Syli, c’était la jeunesse, il est important que cette frange de la population le découvre sous les traits de sa véritable personnalité. Cette autre accusation n’est donc pas à banaliser
Anna Maria CABRAL :
C’était le 20 janvier 1973, nous étions invités à une réception à l’ambassade de Pologne, non loin de notre résidence. De retour vers 22h passées, nous sommes bloqués par une Jeep du PAIGC à quelques mètres de chez nous. Cabral reconnaissant ses hommes, s’arrête et descend pour leur parler. C’était Innocencio Kani qui dirigeait cette opération, accompagnés de deux autres militants armés. Il était en disgrâce au sein du parti PAIGC, il lui était reproché de rouler pour la police secrète portugaise, la PIBE. Innocensio lui intime l’ordre de le suivre, Cabral refuse et appelle les gardes qui sont censés être de garde devant sa résidence. Il faut rappeler qu’il était arrivé à quelques pas de sa résidence. Mais Innocensio et ses complices les avaient déjà neutralisés. L’un avance avec une corde pour le ligoter, mais CABRAL résiste et refuse d’obtempérer. Il déclare « vous ne m’aurez pas comme ça. Jamais personne n’a pu me ligoter, je n’ai jamais accepté qu’on ligote les autres. On s’est justement battus pour briser les chaînes ». Alors Innocencio Kani tire sur lui à bout portant. Cabral lui dit en sanglots « pourquoi ? Pourquoi ne pas en discuter au sein du parti, le parti nous a enseigné la culture du dialogue, en cas de divergences ». Innocensio donne l’ordre aux autres de l’abattre. Il est ensuite abattu sous mes yeux. J’ai crié, crié, j’ai été battu et amené de force ».
Anna Maria Cabral est alors arrêtée, ligotée et amenée à la montagna, la prison du parti à Conakry. Aristide Pereira est aussi arrêté, son frère Vasco Cabral également et José Ahojo. En même temps, les traîtres à la cause qui y étaient emprisonnés, sont libérés.
Simultanément, Aristide Pereira, le numéro 2 du mouvement est lui aussi arrêté dans son bureau pendant qu’il se préparait à rejoindre la conférence du parti PAIGC qui recevait Joaquim Chisano, le leader du FRELIMO Mozambicain venu avec Samora Machel, chercher de l’aide à Conakry. Pereira est arrêté par Mamadou Ndiaye, le chef des gardes. Pereira est alors ligoté et embarqué dans un véhicule jusqu’au port. Il est embarqué dans la vedette 4 avec ses oppresseurs, Inocensio Kani lui embarque dans la vedette 7 avec d’autres gardes. Ensuite ils prennent le large, direction la Guinée portugaise. Ils ont pu franchir tous les barrages parce que les véhicules du PAIGC sont libres de tout mouvement. Ils sont VIP en Guinée, connus et respectés par tous selon les ordres de Conakry. Les conspirateurs vont profiter de ces largesses pour s’en fuir.
Mais les forces de sécurité sont déjà alertées, les gardes du PAIGC aussi. Il faut dire que les coups de feu ont alerté tout le monde. Le commandant Osvaldo Viera constate les faits, et mobilise les troupes du PAIGC. Anna Maria et ses compagnons sont libérés. Le président Sékou Touré est alors informé vers 23h 30. Aussitôt les frontières maritimes sont fermées, les conjurés sont pris en chasse par la marine et l’armée de l’air guinéennes.
Simultanément, après l’annonce de la mort de Cabral, un groupe de conspirateurs ( Mamadou Touré, Aristide Barbosa, Joao Thomas, Mamadou Dagama) fraîchement libérés par Innocensio Kani, se présentent au président Sékou Touré pour s’autoproclamer comme leaders du PAIGC. Le Président Sékou Touré refuse de les entendre seul, il fait appel à Samora Machel le leader du Frelimo, l’ambassadeur d’Algérie et de Cuba. Les conspirateurs seront arrêtés, Aristide Pereira est retrouvé ligoté dans leur vedette. C’est ainsi qu’une commission d’enquête va être mise en place pour faire la lumière sur les événements.
Parmi les raisons évoquées par les conspirateurs
- La suppression du PAIGC
- L’exclusion de tous les cap-verdiens du PAIGC parce que les portugais veulent garder les îles du Cap-Vert.
- La fin des prétendus avantages des métis sur les noirs dits autochtones.
Le Portugal qui venait d’être condamné par la communauté internationale après l’agression de la Guinée, nie les faits et cherche à faire accuser Sékou Touré. Et la PIBE, malgré toute l’évidence, fait courir des rumeurs sur la culpabilité de Sékou Touré. Malgré les aveux des auteurs, malgré les témoignages de la veuve Anna Maria sur les circonstances de la mort de son mari. Malgré la libération de Aristide Pereira et son témoignage. Malgré les récits des conspirateurs eux-mêmes. Malgré les témoignages récents des membres du PAIGC, conspirateurs et non. Malgré toutes ces évidences, vous avez aujourd’hui encore des individus de mauvaise aloi qui continuent de propager ces contre-vérités. Que méritent-ils ?
Autres témoignages concernant. Il s’agit de Michel Turpin, l’un des fidèles compagnons de Cabral
Mr Michel TURPIN vous étiez vous aussi un membre important du mouvement indépendantiste et un proche d’Amilcar Cabral. Lorsque l’on sait la qualité du service de renseignement guinéen de l’époque, lorsque l’on se souvient à quel point vous étiez protégés, vous militants nationalistes, on se demande comment une telle conspiration a pu échapper au Président Sékou Touré qui avait des yeux et des oreilles partout. Est ce qu’il n’a pas laissé faire ?
TURPIN:
Mr FOKKA, nous étions en guerre et un plan était monté, ce n’est pas un secret. Le PAIGC voulait pour la première fois dans l’histoire des luttes d’indépendance, capturer un gouverneur colonial, un général (SPINOLA). Mais Spinola a eu des réunions, des contacts avec nos camarades, mais le jour « j » Spinola n’était pas arrivé…..Spinola avait infiltré le PAIGC, des gens étaient parmi nous, ils ont semé la zizanie, c’était prévisible. Amilcar a trouvé la mort à Conakry comme il aurait pu trouver la mort en territoire bissao guinéen. …..Ce fut une trahison c’est un bissao-guinéen qui a tiré sur Amilcar, mais qui a commandité ça? c’était la police portugaise.
D’aucuns peuvent raconter que Sékou a fait ceci ou cela, mais je peux vous dire qu’effectivement nous avons eu la chance au moment des luttes d’indépendance d’avoir un bercail qui était la Guinée. A cela je ne dirai pas qu’on allait pas obtenir notre indépendance mais ça n’aurait pas été facile. Nous peuple bissao-guinéens, n’avons aucun reproche, et aucune critique à faire, parce que moi j’étais là aux funérailles et au symposium, et je sais que le peuple guinéen a pleuré avec nous et Sékou a regretté la mort d’Amilcar Cabral……
- Temoin1 : Anna Maria CABRAL, épouse de l’homme
- Temoin2 : Aristide Pereira, fidèle adjoint de CABRAL et premier président du Cap-Vert
- Temoin3 : Luis CABRAL, frère de l’homme et ancien président du Cap-Vert
- Temoin 4 : Joseph Turpin, fidèle compagnon de Cabral.
Par Kémoko Camara