La question des exécutifs communaux fait débat. Faut-il les dissoudre pour mieux gérer ? Ces dissolutions sont-elles justifiées ? Quel est l’impact des transferts de fonds sur les conditions de vie des populations ? Le comportement des élus locaux après les élections ? Pourquoi les finances publiques locales sont-elles précaires ? Peut-on améliorer cette gouvernance locale à court et moyen terme ?
Les communes urbaines et rurales où vivent plus de 60% de guinéens sont aux prises avec des finances publiques des plus précaires qui exige un contrôle efficace des autorités centrales pour une gestion plus vertueuse des affaires publiques.
Depuis l’arrivée du CNRD au pouvoir, un mouvement de dissolution des exécutifs communaux élus en février 2018 est engagé par les nouvelles autorités. A ce jour, près d’une douzaine d’exécutifs sont dissouts suite aux résultats des missions d’inspection et d’audit des communes urbaines et rurales. Ces conseillers sont accusés de mauvaise gestion et de détournement de deniers publics compromettant ainsi toute possibilité de financement des projets/programmes de développement au profit des communautés.
Ces dissolutions autorisées par le code des collectivités révisé sont nécessaires et justifiées car depuis près de trois ans, ces autorités bénéficient des transferts (certes pas suffisants par rapport aux besoins) non négligeables des ressources financières de la part de l’autorité centrale au bénéfice des populations. Il faut souligner également que les mécanismes pour assurer le contrôle et le suivi de l’utilisation des fonds publics au niveau interne ne sont pas toujours efficaces. Ils sont élus sur la base de programmes économiques et sociaux qui fait obligation aux autorités centrales d’exercer leur pouvoir de contrôle pour plus de transparence et une meilleure gouvernance des affaires publiques au niveau de nos collectivités.
Entre 2019 et 2020, près de 500 milliards ont été transférés aux collectivités pour le financement de leurs microprojets. Au titre de l’année 2021, plus 66 milliards de GNF sont transférés aux collectivités locales pour le financement de leurs microprojets dont 58 milliards pour le compte de l’exercice 2021 et 6milliards pour assurer l’accompagnement et le suivi des collectivités (ANAFIC 2021).Si cette tendance ce maintien (avec l’hypothèse que ces montants resteront constant ou légèrement augmentés), ces ressources, auxquelles s’ajoutent les maigres ressources internes mobilisées, peuvent contribuer à améliorer significativement les conditions de vie des populations des collectivités si elles sont gérées dans la transparence.
La dissolution de ces exécutifs communaux est une mesure de politique à saluer.
En effet, les bilans des conseils communaux(qu’il soit de l’opposition ou de la mouvance) et les maires des communes de Conakry, loin de procéder à une généralisation qui pourrait être abusive, la vérité est que, face à une rareté des ressources disponibles, la plupart des locaux ont eu qu’une seule préoccupation : ils ont quasiment transformé tout l’espace communal en de vastes marchés avec une détermination tous azimuts afin de récolter quelques subsides additionnels, accompagnée de spéculation foncière de grande ampleur souvent dénoncée dans la presse.
Quant aux acteurs politiques, l’enjeu pour la majorité d’entre eux, c’était juste comment se positionner au niveau local, tromper les porteurs de voix et autres personnalités influentes de ces localités, détourner les maigres ressources au profit de ses proches et militants dans le but de se constituer un fief et prétendre ainsi à des responsabilités au niveau national.
Depuis plusieurs années, voilà le scénario qui a toujours fonctionné, et à grande échelle, ce qui explique en grande partie la pauvreté, la misère et l’absence de développement économique et social de nos collectivités. Le bilan n’est vraiment pas fameux sauf peut-être, pour certaines collectivités locales qui ont pu négocier quelques accords de partenariat avec les institutions et la coopération municipale internationale décentralisée.
Pourtant, ce ne sont pas les opportunités qui manquent dans nos collectivités surtout avec les politiques de décentralisation qui ont transféré certaines compétences aux collectivités locales même si beaucoup d’efforts reste à faire pour le transfert des ressources plus conséquentes.
Si grâce à une vision et stratégie responsable, on peut mettre en place des équipes plus tournées vers le devenir de leurs localités, il est parfaitement possible d’étudier les voies et moyens de promouvoir un certain développement économique et social dans les collectivités locales de notre pays.
Ce développement passera nécessairement par la construction d’infrastructures communautaires répondant aux besoins vitaux des populations bénéficiaires, la recherche de nouveaux gisements de production, l’encadrement et l’accompagnement dans la conception et la mise en place de véritables projets structurants avec un fort impact économique et social.
Pour atteindre ces objectifs et conscient qu’aucun développement ne peut se faire sans la participation effective des communautés, il y a lieu de procéder :
- A associer les ressortissants véritablement intéressés à contrôler et la réflexion et la prise en charge des préoccupations de leurs communautés ;
- Procéder à une cartographie des ressources du sol et du sous-sol de la collectivité et
- Faire appel au secteur privé local pour favoriser l’exploitation consensuelle des opportunités économiques au bénéfice de toutes les populations et maintenir sur place une jeunesse tournée vers l’exode et l’immigration clandestine.
L’enjeu, c’est comment tendre vers une bonne gouvernance locale ?
Celle-ci nécessitera une forte volonté politique de véritable changement, la promotion d’une nouvelle vision et l’application d’une stratégie ambitieuse de développement économique et social et l’introduction dans ces collectivités de la gestion axée sur les résultats afin que les acteurs publiques soient enfin jugés sur les résultats dans la gestion des affaires publiques et non sur la réputation ou l’appartenance ethnique.
Aujourd’hui, la coopération décentralisée est d’actualité dans l’affectation des ressources des partenaires techniques et financiers. Il suffit donc d’un peu d’imagination pour monter de bons projets/programmes, sensibiliser les partenaires au développement et les ONGs nationales et internationales, collecter les financements et surtout s’engager à faire participer les populations bénéficiaires pour une appropriation réussie des projets en vue de leur pérennité.
Il n’y a aucun complexe à regarder ce qui se fait de mieux à travers le monde surtout dans la région Africaine pour profiter d’initiatives innovantes et d’idées nouvelles qui sont nécessaires pour impulser un véritable renouveau dans nos villes, communes urbaines et rurales où il ya suffisamment d’activités de développement.
Pour réussir une politique de gouvernance locale dans notre pays, nous encourageons vivement les autorités de la transition à:
- Renforcer les capacités techniques en gestion administrative et financière des acteurs chargés de la mise en œuvre des politiques communales ;
- Favoriser le renforcement des prérogatives des pouvoirs locaux ;
- Mener une politique intelligente d’aménagement du territoire ;
- Rendre attractives nos collectivités en matière d’incitation fiscales et d’autres facilités pour favoriser l’investissement local et étranger et
- Le tout accompagné d’une politique de délocalisation d’entreprises et d’initiatives privées.
L’avenir s’annonce prometteur si les autorités de la transition imposent grâce à une volonté politique clairement affirmée :
- Une gestion plus responsable des collectivités locales ;
- l’évaluation des impacts économiques et sociaux des projets/programmes communautaires ;
- l’instauration d’une compétition entre les différentes collectivités, villes et communes ;
- Relever le défi de la mobilisation des ressources internes des communes particulièrement l’impôt foncier.
Si la précarité des finances municipales est une réalité au vue des défis de développement à relever, qu’en est –il du côté des dépenses ?
En plus d’un défi important du côté des ressources internes mobilisées, nos collectivités continueront de subir une pression considérable du côté des dépenses. En effet, le manque d’infrastructures économiques et sociales, le taux élevé du chômage et la pauvreté auront un impact notable sur la population active de nos communes urbaines et rurales.
Ainsi, les communes, toujours désireuses d’attirer des opérateurs économiques et entreprises et les potentiels investisseurs qui accompagnent celles-ci, devront être en mesure de fournir à ces acteurs la main d’œuvre dont ils auront besoin à court, moyen et long terme. Pour ce faire, les communes devront mettre en œuvre des projets/programmes de développement sérieux qui répondent aux demandes sans cesse pressantes des populations et en adéquation aux exigences des opérateurs et entreprises investisseurs.
Ainsi, il y aura à la fois des défis tant au niveau des ressources internes qu’à celui des dépenses ainsi que les questions relatives à :l’urbanisation rapide de nos communes ; l’accroissement des responsabilités; le développement de l’intercommunalité ; la gestion efficace et transparente des transferts fiscaux vers les collectivités locales et l’entretien des investissements.
Bref, nos communes, au cœur de l’activité économique et sociale, doivent faire l’objet d’une refonte radicale pour réaliser les objectifs de développement économique et social car nos communes urbaines et rurales doivent être au cœur de notre performance économique.
Cette refonte d’envergure exige des autorités de la transition, à court et moyen terme, des mesures à la fois générales et des méthodes fondées sur les règles.
Comme mesures générales, il faut encourager :
- La promotion de la discipline budgétaire à tous les niveaux de l’appareil de l’Etat, de faire en sorte qu’il y ait au départ une correspondance globale entre les recettes et les responsabilités en matière de dépense à chaque niveau de l’administration;
- Mettre en place un système stable et transparent de transfert entre l’administration centrale et les collectivités décentralisées, qui soit conçu de manière à comblerl’écart entre les dépenses et les recettes des communes résultant des responsabilités qui leur ont été confiées ;
- Limiter effectivement les déficits des collectivités locales en fonction des objectifs de croissance et d’inflation.
En s’appuyant sur les méthodes fondées sur les règles, et au vue de la faiblesse des ressources internes mobilisées pour accélérer le financement des infrastructures, initier un mécanisme qui :
- Autorisele recours à l’emprunt pour financer des investissements et compatibles avec un ratio prédéterminé du service de la dette et
- Renforce le contrôle direct des autorités centrales sur la Gouvernance globale des exécutifs communaux.
Donc l’intervention des autorités centrales pour plus de transparence et une gestion plus vertueuse des ressources des collectivités est une obligation pour améliorer les conditions de vie des populations et améliorer la gestion des finances publiques de façon générale.
Ce sont là quelques champs de réflexions pour un développement économique et social de nos collectivités au bénéfice des populations.
Conakry, le 30/AOÛT/ 2022
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