A bientôt deux ans du putsch du 5 septembre 2021, le constat est alarmant. Aucun acte allant dans le sens, ni de la refondation, ni du retour à la légalité démocratique n’est posé. Le CNRD venu au pouvoir par le feu et le sang, montre des velléités de monarchisation. Alors que les pays comme le Ghana, la Côte d’Ivoire, la Tanzanie réalisent des miracles, notre pays reste diplomatiquement isolé et financièrement suspendu des institutions financières les plus importantes. Parce que justement aucun bailleur sérieux ne veut s’engager avec un régime d’exception. C’est le contexte international même qui est opposé aux prises du pouvoir par la force, comme cela s’est passé en Guinée. C’est pourtant dans ce contexte, et malgré l’évidence, que la junte ruse à s’accrocher au pouvoir « par la force ».
Aujourd’hui, la défense de l’intérêt national commande de prendre position contre la monarchisation d’un régime qui n’apportera à la Guinée que désolation. Nous ne sommes pas en transition en Guinée, contrairement au Mali et au Burkina Faso. Je réitère mon total soutien aux officiers Assimi Goïta et Ibrahim Traoré dont l’engagement patriotique au service de leurs pays et de l’Afrique n’est plus à démontrer. Mais en Guinée, force est de reconnaître que le contexte est différent. Nul ne peut expliquer le putsch contre un régime issu des urnes et contre lequel le peuple ne s’est pas soulevé. Et surtout, nul ne peut expliquer et rien ne peut justifier cette volonté de confiscation du pouvoir par les putschistes. Il nous revient donc d’apporter notre soutien aux forces vives de la Nation.
Oui ! Je soutiens l’appel des forces vives aux manifestations pacifiques comme le prévoient tous les textes conventionnels : la charte de la transition, la charte africaine de la démocratie et de la gouvernance, la déclaration universelle des droits de l’homme. Mais aussi parce que la désobéissance civile est un élément essentiel de la démocratie pour lutter contre la dictature. Face aux velléités du CNRD et de son président, je soutiens l’action concertée des forces politiques et sociales du pays, en vue d’une manifestation pacifique.
Aussi, je soutiens les manifestations pacifiques du 17 et 18 mai 2023 pour commémorer les dates historiques du 17 mai et 18 mai. Je rappelle que le 17 mai 1991 est la date du retour en Guinée du principal combattant pour les droits humains. Et c’est le 18 mai 2001 qu’il fut libéré après son arrestation en décembre 1998. Si j’étais en Guinée, je répondrais à cet appel à la manifestater. J’ai personnellement beaucoup de souvenirs avec les dates du 17 mai 91 et du 18 mai 2001. Ça aurait une belle occasion de rendre hommage aux martyrs du RPG tombés en 1991 à Nzérékoré, en 93 à Kankan et Siguiri, en 98…
Je recommande cependant aux organisateurs le caractère pacifique des manifestations. Ce qui diffère une manifestation d’une émeute, c’est justement le caractère pacifique de la manifestation. Je rappelle que tous les textes qui prévoient et consacrent le droit de manifester, insistent sur son caractère pacifique. (lire l’art 20 de la déclaration universelle des droits de l’homme). J’invite les organisateurs à indiquer un itinéraire et un point de rassemblement pour les meetings et autres prises de paroles. La réussite d’une manifestation réside dans sa mobilisation et son message, pas dans la violence qu’elle génère.
J’invite les autorités à ne pas faire entrave à cette liberté consacrée. Je les invite en toute modestie, à faciliter l’exercice de ce droit sacré et au besoin, à l’encadrer. Je les invite à interdire l’utilisation d’armes non conventionnelles sur les manifestants, parce que les guinéens ne sont pas du bétail. Qu’elles sachent que leur communiqué d’interdiction n’a aucune sorte de valeur juridique. Hormis le caractère sacré de la liberté de manifester, la hiérarchie des normes accorde une simple valeur administrative au communiqué. Et si jamais, le communiqué se heurte à un principe constitutionnel et conventionnel, il s’efface tout simplement. Alors, la junte n’est pas fondée invoquer l’interdiction de manifester. Cette interdiction est contra legem. Elle doit s’effacer pour que force reste à la loi.
Enfin, je voudrais m’adresser aux démagogues. A ceux qui nous tympanisent de théories selon lesquelles, il faudrait renoncer aux manifestations pour éviter les morts. Je voudrais dire à ces démagogues, que c’est les balles plutôt que les manifestations qui tuent. C’est la répression plutôt que la marche qui est à condamner. Tenez ! Combien de fois l’Imam Dicko et ses partisans ont manifesté au Mali sans un seul mort ? Avez-vous oublié que Dioncounta Traoré, l’ancien président de la Transition malienne fut tabassé par la foule en colère dans son palais ? Au Mali, au Ghana, on ne tire pas sur les manifestants. On les encadre, on les disperse à coups de gaz lacrymogènes. Mais l’on ne renonce surtout pas à nos droits et libertés. Et cela est valable pour la Guinée.
Que Dieu bénisse la Guinée et l’Afrique…
Par Kemoko Camara