Depuis quelques années, circule le narratif selon lequel « la France aurait perdu l’Afrique ». Sur les plateaux de médias français, dans les colonnes de journaux ou de radios, on entend partout des discours fatalistes selon lesquels la France se serait faite remplacée par la Chine, ou encore la France a perdu l’Afrique… Au delà de son caractère dégradant, ce narratif expose la dynamique dans laquelle s’est opérée jusqu’ici, la coopération entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique noire. Ce discours démontre que la France politique ne se voulait pas partenaire, elle se voulait maître. Elle a toujours eu ce problème de se détacher de son passé colonial. Il est temps pour la pérennité de nos rapports, de changer la donne.
Mais avant, il convient de relever le caractère mensonger, insultant et dégradant de ce narratif. Mensonger, parce que la France n’a pas à perdre l’Afrique. L’Afrique n’appartient simplement pas à autre Nation que les Africains. L’Afrique n’a jamais appartenu à la France, elle ne saurait appartenir à une autre Nation. Insultant, parce que ce discours chosifie la Grande Afrique, en la réduisant en un bien matériel dont on peut disposer à sa guise. C’est un discours colonialiste qui suppose l’idée que l’Afrique doit forcément appartenir aux autres. Dégradant, parce que cela implique une notion de possession, alors qu’il s’agit là de peuples et de groupes de peuples. La notion de perte implique forcément la notion de possession. C’est dégradant pour l’image de la France, pays de la liberté, fille de la révolution de 1789 que de prétendre avoir possédé d’autres peuples.
Nous voudrions à travers cette tribune, inviter les Africains et les Français à une autre forme de collaboration. Nous voudrions inviter à sortir de la logique de domination, du paternalisme en faveur d’une nouvelle forme de coopération. Une coopération axée sur la convergence des intérêts et sur le respect des différences et des souverainetés. Nous comprenons que la France a besoin de l’Afrique pour exister en tant que puissance. Nous précisons que l’Afrique aussi a besoin de coopérer avec toutes les puissances du monde : USA, Chine, Russie, mais aussi l’Union Européenne, le Royaume Uni, l’Inde… Il est donc important de travailler en bonne intelligence dans l’intérêt de nos Peuples.
Vous conviendrez avec nous que l’économie coloniale ne correspond plus aux réalités de l’Afrique moderne. Les artifices comme l’aide publique au développement, le système de la dette dont le service nous impose de rembourser 4 ou 5 fois l’emprunt initial, la spécialisation de type régressif, le financement compensatoire… Les pays anglophones et autres ont dépassé ce cap. Il nous revient à nous aussi, Africains et Français de réinventer notre coopération. Nous croyons quant à nous à une société de prospérité interplanétaire. Au lieu de créer seulement en France une société de surabondance en pillant nos États, en les laissant dans une situation de misère extrême, nous croyons à la convergence des intérêts. Nous croyons à une société de prospérité partagée entre l’Afrique et la France.
Tenez ! Le royaume-Uni a presque soutenu la dynamique de développement de ses anciennes colonies, elle n’a pourtant pas chuté. Elle reste une puissance économique et géopolitique grâce à ses anciennes colonies (à travers le Commonwealth). Mais elle a réussi à accompagner le développement de ses anciennes colonies : le Kenya, le Botswana, la Namibie, le Nigeria, le Ghana, l’Afrique du Sud… Quant à la Chine, elle a créé une banque d’investissement pour financer les projets de développement sur le continent. Sa coopération a fini par transformer l’Afrique : l’Éthiopie, la Tanzanie, l’Angola… Ses échanges avec le continent s’élèvent à plus de 260 milliards us. Quant à la Russie, sa coopération militaire a permis aux pays du Sahel de tenir. Nous pensons que la France elle aussi, devrait dépasser son passé colonial et répondre au besoin de coopération de nos États.
Rappelons que les États francophones noirs sont les plus pauvres au monde. Nos États sont les moins investis, les moins industrialisés au monde. Mais la France ne consacre que 1 % de ses investissements directs étrangers à l’Afrique. L’essentiel de ses investissements étrangers sont consacrés à d’autres zones. Pourtant, c’est en Afrique qu’elle réalise l’essentiel de son PIB (extérieur). Elle doit rompre avec la Françafrique. Elle doit rapatrier ses bases militaires, qui ne sont d’aucune utilité sur le contient, et qui ne répondent à aucun besoin sociétal. Si elle veut rester en Afrique, qu’elle y investisse comme les autres partenaires. L’Afrique a besoin d’investissements, d’entreprises qui créent de l’emploi, d’industries pour stopper net l’émigration de masse. C’est en cela que nous avons besoin de coopérer avec nos partenaires.
C’est à ce titre que nous comptons co-organiser un colloque sur l’impérieuse refondation de la coopération « Afrique – France ». Une rencontre scientifique qui regroupera des économistes, juristes, entrepreneurs, chercheurs français et africains, en vue de débattre de façon proactive de cette épineuse question.
Vous y serez invités !!!
Pour le Front Républicain de Guinée
Kémoko CAMARA