L’histoire politique de l’Afrique post-coloniale nous a révélé deux visions antagoniques: une vision panafricaine progressiste, une vision impérialiste ou françafricaine. Il en a souvent été ainsi, nous pourrions remonter le temps jusqu’à l’époque des partis uniques, où là encore la dualité se confirmait. En Guinée, au Mali, en Tanzanie, au Kenya… il y avait des partis uniques issus du peuple. Même si les régimes de Conakry et d’Alger se sont durcis dans le contexte de l’époque, mais ça restait des partis populaires issus du peuple. Mais à l’époque, Sékou Touré, Jomo Kenyatta, Boumedienne et les autres résistants furent peints en tyrans, en dictateurs.
De l’autre côté, il y avait aussi des partis uniques instaurés par l’ancien colonisateur, comme au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Togo, au Gabon… où l’on a assisté à de véritables rituels d’intronisation de gouverneurs coloniaux par la Françafrique. Et cela, contre la volonté des citoyens. Mais la françafrique et ses instruments nous les avons présentés comme étant des modérés, des démocrates, parce qu’ils étaient acquis à la cause de l’ancien colon. Sinon ils étaient tous des dictateurs : Senghor a passé 20 longues années au pouvoir, avant d’imposer son dauphin. Houphouet 34 ans, Bongo 42 ans, à leur morts leurs dauphins naturels les remplacé tranquillement. Sékou Touré 26 ans, Jomo Kenyatta… Ils étaient tous des dictateurs, mais seuls les leaders panafricanistes étaient peints en dictateurs. Les autres, Senghor, Houphouet… étaient des amis de la Métropole.
Hier, cette même dualité s’était manifestée à l’époque des démocratures, des démo-dictatures, c’est à dire des dictatures en forme électoraliste. Au Niger, sur un argumentaire fallacieux, Hama Amadou a été arrêté et emprisonné, pour que ce casier judiciaire l’empêche de candidater à la présidentielle. Les Présidents Alhassane Ouatara en Côte d’Ivoire, Alpha Condé en Guinée, Eyadema au Togo ont usé de violences et d’arguties juridiques pour se tailler une présidence à vie. Mais seul Alpha Condé est taxé de dictateur, les autres sont des amis de la République, ils doivent restés blancs immaculés. L’arrestation au Sénégal du président Sonko, après celle déjà de Karim Wade, de Khalifa Sall sans oublier la répression sauvage qui a fait environ 40 morts… Mais Macky SALL reste un pion de la françafrique. Malgré la violence et les morts, il sera toujours présenté comme un démocrate.
Aujourd’hui encore, à l’heure des putschistes, cette même dualité se manifeste. Le Colonel Assimi Goïta, le Capitaine Traoré soutenus par leurs populations respectives, mènent des transitions dans le strict intérêt et avec le total soutien de leurs populations. Ils sont confrontés à des hordes terroristes. Pendant qu’en Guinée et au Tchad, le Colonel Doumbouya et le Général de 35 ans conduisent des transitions qui n’obéissent à aucun calendrier. Mais les médias mainstream ne s’acharnent que sur les officiers patriotes du Mali et du Burkina. Pire ! Au Niger, on oscille la fibre d’une agression militaire pour imposer un potentat vomi par les nigériens. Quelle pitrerie !
Il est désormais clairement établi que la France ne défend pas la démocratie en Afrique. D’abord, ce n’est pas son rôle, parce que ce n’est pas un pays Africain. Mais en plus, elle s’est convaincue de n’en avoir pas intérêt. Elle s’est convaincue par le biais de la françafrique que le développement de nos États provoquerait sa chute. Au lieu d’être dans la dynamique de convergence des intérêts, elle a fini par s’enfermer dans sa logique passéiste d’opposition des intérêts. Incapable de surmonter ses repères coloniaux, elle croit pouvoir soumettre des citoyens assoiffés de liberté, et déterminés à défendre la dignité de leurs Nations.
Dès lors, nous Africains, n’avons plus la même notion de dictateur. Nous comprenons désormais la logique de la France selon laquelle, seuls les intérêts déterminent le niveau de démocratisation d’un pays. Hier nous avons vu des députés s’égosiller en longueur de journée contre le Président Alpha Condé. Ce qui aurait été compréhensible si la même position avait été adoptée contre Mamadou Issoufou au Niger en 2019, ou contre Macky Sall au Sénégal, ou contre Ouatara en Côte d’Ivoire.
Aujourd’hui, la France soutient les putschistes au Tchad et en Guinée, mais ne s’embarrasse pas à s’afficher en pourfendeur du putsch au Niger, dans le seul but de restaurer un potentat impopulaire. Elle est au bord de l’agression contre un État souverain à cause de ce qu’elle appelle ses intérêts. C’est à dire les richesses de cet État. Au lieu de conclure des contrats justes et équitables comme les autres partenaires, elle s’est enfermée isolée dans sa logique de prédation. C’est contre cette ambivalence que nous devons lever contre l’agression du Niger.
Que Dieu bénisse l’Afrique et les Africains !!
Par KÉMOKO CAMARA