TRIBUNE – Mes chers concitoyens, nous sommes en voie de perdre une guerre. La guerre contre un ennemi invisible. L’ennemi des malinkés, des soussous, des guerzés, des kissis, des Konia, des peuls. Notre ennemi à nous tous. Un ennemi redoutable et dangereux qui depuis son apparition au mois de novembre 2019 à Wuhan (Chine) a déjà tué plus de cent cinquante mille personnes dans le monde.
Cinq ans après avoir subi les affres de l’épidémie Ebola, la Guinée est à nouveau frappée : 477 cas confirmés et 3 morts dans un intervalle de 36 jours. Soit environs 13 malades tous les jours. Les chiffres font froid dans le dos.
Pourtant, la Guinée était censée avoir acquis une riche et solide expérience dans sa lutte contre l’épidémie Ebola. Mais à regarder de près, la vitesse de propagation de la pandémie, l’on peut légitimement douter de l’efficacité du dispositif de la riposte mis en place.
Je ne pense pas qu’il soit judicieux de s’inscrire dans une logique de détermination des responsabilités individuelles à ce stade sensible de notre combat. Mais ce qui est frappant, c’est notre démission collective. Cette responsabilité collective de rechigner à mener une guerre inévitable. Une guerre où il faut absolument un vainqueur. Le choix à faire est simple. Vivre ou périr. Tel est notre destin à l’instant précis de notre histoire.
La Guinée se trouve dans un tournant décisif de son existence et les guinéens se trouvent confrontés au plus grand défi de leur histoire récente.
Le défi est grave et immense, il pose la nécessité de la lutte pour la survie de la nation.
La responsabilité collective face un défi grave et immense
L’ennemi a choisi le ‘’bon moment’’, le moment qui coïncide à la plus grande fracture sociale, jamais connue en Guinée. La haine, le mépris, le manque d’empathie ont déshumanisé beaucoup de guinéens. Comme dans un film, les coups, les meurtres, les décès, les malheurs qui sont subis par les uns sont observés de loin avec réjouissance par les autres. Comme pour dire, ‘ton malheur garantit ma sécurité’.
Le ‘nous’ n’existe plus. Nous avons perdu notre âme, nous avons bafoué nos cultures, nous avons insulté nos religions et nous avons tourné le dos à notre héritage historique.
Ce n’est pas cet héritage que Samory TOURE, Alpha yaya DIALLO, Zegbela TOGBA, Dinah SALIFOU ont laissé à la terre conquise aux prix de leur sueur et de leur sang.
Nous devrons mériter leur sacrifice en incarnant les valeurs de paix, d’unité, de solidarité et de justice qu’ils nous ont léguées.
Par notre faute collective, nous voilà obligés de mener deux (2) guerres au lieu d’une. Celle de nous imposer une violence intérieure pour accepter de nous unir comme un seul homme et celle de résister à la guerre qui nous est imposée.
Le Coronavirus est une pandémie qui s’en fiche de nos identités, de nos particularités, de nos noms. Ce qui compte chez lui, c’est de frapper le plus grand nombre, quelques soient les origines des victimes.
Notre devoir, notre responsabilité historique est d’enterrer nos clivages politiques ou sursoir à leurs manifestations jusqu’à ce que cette pandémie trouve sa tombe en Guinée. Ça ne sera pas un combat facile mais avec l’union, l’engagement et la synergie de nos énergies et de nos forces nous parviendront à relever ce défi.
C’est en cela que je demande aux responsables politiques de sortir de leur insularité stratégique pour se muer en pairs éducateurs. Ils doivent sensibiliser, mettre leur expertise au service de la nation et faire preuve d’une exemplarité dans la construction de l’unité et de la solidarité nationales, nonobstant les rancœurs politiques.
Les responsables religieux, les acteurs de la société civile ont également un rôle important à jouer notamment dans l’incitation au respect des gestes barrières et dans la lutte contre les comportements déviants qui heurtent les civilités.
Les autorités guinéennes, en dépit des efforts qu’elles mènent contre ce virus maudit, sont également invitées à améliorer le pilotage et la coordination des actions des différents acteurs impliqués dans la lutte du COVID-19.
L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSS) doit revoir sa stratégie de gestion des malades et des cas suspects. L’observation nous donne à constater que cette Agence évolue en autarcie. Or, il s’agit d’un combat commun qui demande l’implication de tous les professionnels de la Santé.
Il serait difficile de rompre la chaîne de propagation du virus si on demande à une personne suspecte ayant subi son test d’aller attendre son résultat chez elle ?
Vous comprendrez aisément, avant que le résultat ne lui parvienne, cette personne aurait déjà côtoyé les membres de sa famille, ses amis et d’autres personnes autour d’une table dans un restaurant. Toutes ces personnes se trouveraient contaminées si le résultat est positif.
Certes, nous avons d’excellents médecins qui n’ont rien à envier à leurs collègues étrangers sur le plan scientifique, mais la gestion de la prise en charge des malades et les personnes contactes doit être revue.
Voilà en quelque sorte la Guinée que j’aimerais voir. Une Guinée debout, unie et qui lutte comme un seul homme dans un front de guerre pour faire échec à l’ennemi.
Si nous réussissons ce challenge, notre génération aurait contribué à sauver la nation d’un péril imminent.
La lutte pour la survie de la nation
La génération de 1958 a réussi sa mission. Celle de se placer au-dessus des clivages politiques pour dire non à l’impérialisme. L’Afrique et le reste du monde nous reconnaissent cette prouesse.
Notre génération se trouve dans la même posture. Pas face au même ennemi, mais face à un autre ennemi dont la mise en défaite va nous conduire à la même grandeur.
Il ne nous appartient pas de léguer aux générations futures que des pages douloureuses de notre époque. Nous avons surtout le devoir de laisser les traces d’un peuple vaillant qui a été capable de surmonter la plus grande crise sanitaire mondiale.
Nous devons pouvoir le faire non pas en occultant nos différences mais en capitalisant sur les richesses de celles-ci.
Je vous demande humblement de respecter les morts, d’arrêter les injures et les attaques méchantes en l’endroit de nos compatriotes. Ces comportements sont contraires à notre civilisation et à notre éducation.
L’enjeu est crucial et décisif. Il s’agit d’une question de vie ou de mort. Nous avons les mêmes composantes biologiques que les français, les italiens, les espagnoles, les américains. A la différence, qu’ils ont à leur actif des technologies de dernières générations et des systèmes de santé modernes. En dépit de tous ces moyens et des efforts qu’ils ont réalisés au fil des ans pour repousser la mort au-delà des limites de l’espérance de vie, ils sont frappés au cœur de leur existence par ce virus maudit dont la présence dans notre pays est mise en doute par beaucoup de guinéens.
Nous n’avons donc aucune immunité particulière. Notre survie réside dans notre solidarité et dans notre volonté de mettre en place un dispositif adéquat, robuste de riposte contre cette pandémie et dans le respect des gestes barrières.
Mes chers compatriotes, voilà notre défi. A nous de le relever ou de le subir.
Paix aux âmes de nos devanciers. Que Dieu bénisse la Guinée.
Mamadou Gando BAH
Énarque, auteur du livre : Finances publiques / La modernisation de la Gestion des finances publiques en Guinée d’après la loi organique du 6 août 2012.