On peut avoir les bonnes intentions de bien faire, mais in extremis les choses peuvent se compliquer. Personne n’aimerait voir cette transition échouée. Souvent le coup d’État en Afrique a une histoire inachevée et met les peuples dans l’éternel recommencement, si toutefois les nouveaux maîtres du pays ne s’accoutument pas aux bons usages comme ils promettent dès leur prise de pouvoir.
Dans le continent, rares sont des coups d’État qui laissent la place à l’alternance démocratique souhaitée. C’est le cas par exemple du Togo, où Gnassingbé Eyadema a conduit l’assassinat de Sylvanus Olympio, depuis lors, ce pays vit dans une sorte de dynastie. Le cas du Bénin mérite d’être cité en exemple. C’est le pays où le coup d’État est fait par intermittence, de Maurice Iropa Kouandété à Mamadou Tanja, ses institutions sont instables sauf sous Mahamadou Issoufou. En Guinée, l’échec de Moussa Dadis Camara est encore en mémoire.
Notre Jerry Rawlings qui a renversé Alpha Condé se présente comme un homme de bonnes intentions. Il dénonce la gabegie, invite la presse à dénoncer la corruption. Le personnage a presque tous les traits d’un populiste endurci. Les concertations initiées sous sa direction en vue d’élaborer la charte de la transition donnent l’image de la grande foire, où chaque opérateur vante le bon côté de son produit. Mille discours à l’endroit d’un seul homme. Chaque Guinéen veut que son avis compte. Qu’on se dise la vérité, la Guinée est sur la braise ardente dont les esprits tous azimuts bouillonnent. Le pays a besoin de ses religieux en ce moment pour implorer la grâce divine pour que ce nouveau Jerry Rawlings ne déraille pas. Quand un train déraille, ses épaves sont une sorte de convulsion aux conséquences immenses.
La première erreur du Rawlings guinéen, c’est le fait que le sang a trop coulé dans son coup d’État. Cela ne garantit pas une transition paisible. L’esprit revanchard vit nettement autour de cette tradition. Il y a aujourd’hui tant de familles qui sont endeuillées. Des fils tués sous les balles au cours de ce coup d’État. L’intelligence doit amener le Rawlings guinéen à instituer des commissions pour restituer aux familles les corps des militaires tués pendant ce coup de force. Tout cela peut atténuer la tension. Il est difficile de faire le coup d’État dans le sang et réussir en même temps sans réconcilier les frustrations.
En faisant le recul nécessaire, on observe de plus en plus que la transition qui s’annonce en Guinée a tous les signes du danger. Notre souhait absolu est que ce Doumbouya réussit. Son échec n’est pas souhaitable. Parce qu’il porterait de lourdes conséquences pour la Guinée.
La deuxième erreur des putschistes, c’est d’avoir gardé Alpha Condé dans une sorte de prison. C’est une erreur monumentale. Son emprisonnement l’agrandit davantage dans ses fiefs. Ses militants l’ont suivi durant plus de 26 ans avant qu’il ne vienne au pouvoir en 2010. C’est se tromper, de croire qu’Alpha Condé n’est pas populaire. Il reste un symbole. Même son héritage peut mobiliser. Il faut que le CNRD lise bien la sociologie de la Guinée pour mieux mener cette transition.
La troisième erreur de notre Rawlings est du fait que la liste des putschistes ne soit pas rendue publique. Les problèmes guinéens sont une hydre. Le Guinéen peut s’approcher d’un parti ou d’un système, parce que son ami appartient à cette entité. On se demande qui conseille notre Rawlings à procéder de cette façon.
La quatrième erreur, c’est de répondre amèrement la Cédéao pour le cas Alpha Condé. C’est se tromper de croire que ce coup d’État résulte de la révolte populaire, comme c’est le cas en 2007 en Guinée quand la lutte syndicale a mis tout le pays en mouvement. Les putschistes brandissent l’aspiration du peuple de Guinée devant la Cédéao – et que le peuple de Guinée décidera de son destin. C’est un discours à la forme Dadis Camara. C’est du populisme. C’est du mauvais présage déjà pour la transition, sous les regards opportunistes de toute la classe politique, dans l’espoir que chaque parti va vite succéder les militaires. La vérité est que cette transition risque de durer.
Par Bakary Bérété