Dans une précédente dépêche, nous vous rapportions des propos du Général Sékouba Konaté, confiés à notre confrère nouvelledeguinee.com, propos dans lesquels, l’ancien président de la transition guinéenne, a révélé que le capitaine Moussa Dadis Camara, à la prise du pouvoir du CNDD, voulait faire arrêter Dr Ibrahima Kassory Fofana, à l’époque ancien dignitaire du régime Conté.
‘’Faux’’, a rétorqué un proche de l’actuel premier ministre, chef du gouvernement guinéen, qui a requis l’anonymat. Pour sa part, l’ancien président de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, invité des grandes gueules du lundi 18 mai, a exprimé sa sympathie pour Kassory Fofana en refusant de verser dans la polémique.
Face à tous ces dilemmes, la rédaction de Mosaïque a ouvert une enquête sur les traces de Kassory Fofana, depuis son limogeage surprise le 20 janvier 2000 du ministère de l’économie et des finances où il reignait comme l’homme le plus influent du régime du Général Lansana Conté.
Victime principale d’un des plus retentissants remaniements du défunt président Lansana Conté, en janvier 2000, l’ancien tout puissant ministre de l’économie et des finances, Kassory Fofana n’a pas perdu du temps à Conakry.
En moins d’une semaine après son fracassant limogeage, Kassory Fofana a quitté Conakry pour les États-unis via Dakar. Difficilement, puisque ses adversaires regroupés autour de Fode Bangoura, alors ministre Secrétaire général et le premier ministre de l’époque, Me Lamine Sidime, ont voulu profiter de cette déchéance pour créer des ennuis, humilier et achever l’enfant turbulent de Lansana Conté. Mais, par la force des choses, Kassory Fofana parvient à quitter non sans l’accord du Président Conté qu’il avait préalablement informé de son intention de s’absenter pour un contrôle médical.
À Washington où il pose finalement ses valises,
Dakar n’a été qu’une escale de quelques jours, il entreprend un programme de reconstruction personnelle après plus de 20 ans d’activités professionnelles et de carrière politico-administrative plutôt intenses. En effet, de la direction nationale de la Coopération au ministère de l’économie et des finances, en passant par la direction nationale des investissements publics, l’Administration et Contrôle des Grands Projets ou le ministère du Budget, le natif de Moriyah a été l’un des artisans des différents programmes de développement économique et social de la Guinée avec des voyages interminables à travers le monde à la rencontre des bailleurs de fonds et investisseurs privés. Bref, deux décennies sans repos au service de l’administration.
À partir de là, le limogeage de janvier 2000 rassemblait à une forme de congé, de repos sinon de libération.
Donc, à Washington où il a pu aussi retrouver une vie familiale normale, l’ancien ministre pense à la formation en s’inscrivant dans l’une des prestigieuses universités de la capitale fédérale et obtient, au bout de quelques années, 2 doctorats.
Désormais établi aux États-unis, Kassory Fofana, avec ses nouveaux diplômes et sa longue expérience des affaires d’état, s’exerce dans la consultation avec une audience certaine qui lui confère une grande notoriété et occupera son temps des années durant loin de la Guinée.
Si le consultant continue de voyager dans le cadre professionnel ou avec sa famille parfois en Afrique et même dans les pays voisins, il évitera soigneusement la Guinée où il n’est jamais revenu depuis janvier 2000.
En 2007, peu après les turbulences sociopolitiques qui ont ébranlé le régime du général Lansana Conté contraint de former un gouvernement de consensus dirigé par Lansana Kouyate, Kassory Fofana, à la surprise générale, débarque à Conakry. Ce jour, comme par hasard, le président Lansana Conté était présent à l’aéroport où il reçoit en personne son ancien ministre. Après les poignées et accolades dignes des retrouvailles fraternelles et amicales, les deux personnalités, à bord du véhicule présidentiel, quittent l’aéroport pour le Palais présidentiel où elles s’isolent pour un tête-à-tête de plus d’une demi-heure. Après cette entrevue, le Président Conté accompagnera, lui-même, le ministre Kassory Fofana jusqu’à l’hôtel de ce dernier et laisse à sa disposition sa propre garde rapprochée, son véhicule de commandement et le chauffeur » aussi longtemps que durera ton séjour » lance, souriant, le Général en prenant congé de son hôte.
Quelques jours après ce retour, Kassory Fofana anime une conférence de presse au Grand Hôtel de Conakry et défend son bilan ministériel en lançant un défi à ses détracteurs de fournir le début de commencement de la moindre preuve sur une quelconque malversation concernant sa gestion partout où il est passé.
En mai 2008, Tidjane Souare (ancien chef de cabinet de Kassory aux finances) remplace Lansana Kouyate à la primature, et son ancien patron est annoncé dans un portefeuille du gouvernement de large ouverture que le nouveau Premier ministre s’apprête à former. Mais, par des jeux de coulisses, Kassory Fofana, combattu dans l’ombre par ses anciens lieutenants et ses « alliés » dans la chute du gouvernement précédant, n’a pas été cité lors de la publication de la liste gouvernementale. Tout a été mis en oeuvre pour empêcher sa rentrée dans ce gouvernement. Sa personnalité, dit-on, aurait fortement influencer l’image du nouveau premier ministre, Tidjane Souaré qui n’est autre qu’une de ses nombreuses fabrications dans l’administration.
Cependant, à en croire les rumeurs très persistantes à l’époque, le Président Lansana Conté envisageait de renvoyer le gouvernement Souaré et de promouvoir Kassory Fofana à la Primature. Ce projet, à cause d’un contentieux entre ses promoteurs lié à certains détails dans la composition du futur gouvernement, a échoué.
Et Kassory Fofana repartira aux États-unis où il apprendra, le 22 décembre 2008, le décès du général Lansana Conté et la prise du pouvoir par le CNDD du capitaine Moussa Dadis Camara dès le lendemain, c’est à dire, le 23 décembre.
Le capitaine et sa junte ont effectivement arrêté, au niveau du pont 08 novembre, le ministre des mines du gouvernement déchu, Lounceny Nabe, vite libéré par la suite. Mais, pour le reste, en lieu et place d’arrestations, on a plutôt assisté à un échange d’amabilités entre les putschistes et les membres du dernier gouvernement du défunt président lors d’une cérémonie solennelle à l’allure d’une légitimation du pustch au camp Alpha Yaya de Conakry.
Alors, peut-on logiquement se demander, si les ministres sortants ont eu droit aux honneurs de leur tombeur, pour quel motif le capitaine Dadis aurait eu l’intention d’arrêter Kassory Fofana loin des arcanes du pouvoir depuis 9 ans ?
Invité des « Grandes gueules » le lundi 18 mai, l’ancien président du CNDD a refusé d’alimenter la controverse engagée par son ancien ministre de la défense, en préférant réaffirmer l’admiration et le respect qu’il voue à Kassory Fofana.
Un sentiment de considération déjà manifesté en 2009 quand le capitaine Moussa Dadis, alors aux affaires, a dépêché une forte délégation pour aller exprimer ses condoléances à la Famille Fofana suite au décès du frère aîné de Kassory Fofana, alors que ce dernier se trouvait aux États-Unis.
Revenu au pays pour participer au sacrifice du 40ème jour de son défunt frère, Bokary gbê Fofana, Kassory a été reçu avec tous les honneurs par le capitaine Dadis, à la demande du président de la junte au camp AlphaYaya.
Quelques jours plus tard, le capitaine Moussa Dadis, va personnellement appeler Kassory Fofana, pour lui annoncer le remaniement qu’il envisageait et exprimé son souhait de le voir intégrer la future équipe gouvernementale avec un important portefeuille ministériel.
Mais, Kassory Fofana avait habilement rejeté la proposition du Président du CNDD. En fait, le nouveau président du GPT voulait se consacrer à l’implantation de son parti, un exercice impossible avec la charge d’un portefeuille ministériel.
Finalement, pour revenir à la question initiale, nul, ni l’ancien président du CNDD et ses proches ni dans l’entourage de l’actuel premier ministre, n’a eu connaissance ou ne se souvient de la supposée tentative d’arrestation de Kassory Fofana par le capitaine Dadis, sauf probablement ceux qui ont prêté l’affirmation, sans fournir de preuves ni citer de témoin, à l’ancien président de la transition.