Il est connu pour sa défense du droit des palestiniens à l’édification d’un État indépendant, au vrai sens du terme. Il ne ménage aucune opportunité pour fustiger l’entité sioniste et ses plans d’hégémonie sur le Proche Orient. Il s’agit de l’auteur et journaliste franco-marocain Jacob Cohen, auteur du livre « printemps des Sayanims » qu’Algérie 54 a interrogé au sujet de plusieurs questions intéressant l’opinion publique algérienne et maghrébine, dont la normalisation fes relations entre le Maroc et l’entité sioniste, la rupture des relations entre Alger et Rabat, le pass vaccinal, les prochaines élections présidentielles françaises, le Sahel et la question de la mémoire
Algérie54:Le peuple marocain ne digère plus la normalisation avec l’entité sioniste, et l’occupation quotidienne de la rue par les manifestants opposés à cette normalisation, en est une parfaite illustration. Qu’en diriez-vous sur ce sujet que vous connaissez bien ?
Jacob Cohen:Je crains malheureusement que les sentiments profonds du peuple marocain en faveur de la Palestine ne fassent pas le poids face à l’énorme machine du Makhzen. Les partis politiques, les syndicats, les organisations patronales ou commerciales, les lobbies touristiques, les pouvoirs locaux ou régionaux, les grandes institutions culturelles, bien que sensibles à la dérive sioniste de leur pays, ne peuvent exprimer que des réserves très discrètes. Car cette politique a été initiée par le Souverain qui bénéficie, au moins extérieurement, d’une aura quasi mystique. On ne le critique pas. Il y a autour de sa personne une vénération entretenue par presque tous ceux qui ont un droit à l’expression ou une situation à préserver. Et puis il y a ces retombées positives attendues de la « normalisation » avec le régime sioniste : Les retombées économiques, le replacement du Maroc dans l’échiquier mondial, le mirage de devenir une grande puissance régionale incontournable, et last but not least, l’affirmation de la Cause Nationale que constitue le retour du Sahara Occidental à la mère patrie. Alors quelques manifestations vite réprimées ne pèseront pas bien lourd.
Algérie54: Le Maroc renforce sa coopération militaire avec Tel-Aviv, quelles sont les conséquences selon vous sur le devenir de la région ?
Jacob Cohen:Il faut souligner que cette coopération militaire semble atteindre un niveau exceptionnel. Il ne s’agit pas seulement d’une vente d’armes et de la présence de quelques conseillers. Il s’agit véritablement d’une alliance stratégique entre le Maroc et Israël, que l’OTAN voit discrètement d’un bon œil. On peut dire que le Maroc est entré de plain-pied dans l’Alliance militaire atlantique. Il ne s’en cache pas d’ailleurs et semble tout faire pour précipiter le mouvement. La récente visite du ministre israélien de la Défense, ancien chef d’état-major de l’armée sioniste, en est l’illustration. Diverses stratégies ont dû être planifiées en commun. On assiste parallèlement à une résurgence du nationalisme marocain et à un réveil de revendications territoriales, ou au moins au désir de corriger certaines « injustices » héritées du colonialisme. Tout cela ne présage rien de bon quant à la stabilité de la région. Il paraît certain, désormais, que le régime chérifien n’hésitera pas à se faire l’agent de l’impérialisme occidental pour réduire l’influence régionale de l’Algérie et l’amener à plus de concessions dans sa politique étrangère et sa stratégie économique.
Israël a un mépris total des Arabes, de tous les Arabes
Algérie54: L’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc, dans le sillage de la présence sioniste sur ses frontières et l’implication de Rabat dans un plan de déstabilisation la visant, suite à sa constante position de principe rejetant toute normalisation, sans le recouvrement du peuple palestinien de ses droits lui permettant l’édification de son État, quelle lecture, faites-vous au sujet des derniers développements allant dans le sens de l’escalade ?
Jacob Cohen:Le fait certain évoqué ci-dessus, c’est que le Maroc est entré dans une stratégie de confrontation avec l’Algérie, assuré de bénéficier du soutien d’une des armées les plus puissantes au monde. Est-ce qu’il se laissera entraîner dans un conflit armé en pensant pouvoir donner un coup fatal à l’ennemi dans une guerre éclair et profiter de cet avantage pour récolter les dividendes ? Est-ce que le régime sioniste n’aurait pas intérêt à pousser à un conflit qui affaiblirait les deux pays et rendrait le Maroc plus dépendant encore ? Le drame est d’avoir fait rentrer le loup dans la bergerie. Israël a un mépris total des Arabes, de tous les Arabes. Et si les Arabes avaient appris à connaître l’envahisseur sioniste, son idéologie, ses manœuvres depuis un siècle, ses expéditions brutales contre toutes les populations arabes voisines, sa vision raciste et l’Apartheid qu’il impose à ses citoyens arabes, l’expansionnisme qui fait partie de son ADN, ils auraient peut-être été moins enthousiastes à entrer dans cette paix de dupes. Mais au fond avaient-ils le choix ? Les monarchies arabes avaient-elles encore les moyens de refuser la « pax israelana » que l’axe américano-sioniste leur a imposée ? Je crains que le destin des pays maghrébins ne soit plus totalement entre leurs mains.
Algérie54:Le peuple marocain, dans sa majorité rejette les restrictions sanitaires imposées par le gouvernement marocain, l’exigence du pass vacinal ne risque-t-il pas d’embraser la rue marocaine, très affectée sur le plan socioéconomique par les effets du Covid-19 ?
Jacob Cohen:Tous les peuples soumis à la tyrannie sanitaire commencent à prendre conscience, après quasiment deux ans, des manœuvres consistant à les inoculer avec un produit en phase d’expérimentation qui n’a reçu qu’une autorisation temporaire et qui entraîne des effets secondaires aussi graves qu’imprévisibles. Tout cela pour lutter contre un virus qui ne touche qu’une infime minorité de vieux avec des comorbidités. Autant dire une grippe. Mais l’état de sidération fut tel, accompagné d’une série de restrictions touchant les libertés fondamentales, c’est le pass sanitaire ou vaccinal, que les populations commencent à peine à se réveiller. C’est un phénomène qui touche le monde occidental, et que le Maroc a suivi aveuglément. Si une révolte devait réussir, elle affectera tous les pays, c’est un château de cartes global qui s’effondrera. En attendant, le Maroc continuera à appliquer la politique mondialiste et les résistances qui se manifestent ici ou là n’ébranleront pas vraiment le régime. Je ferai pourtant une réserve particulière sur la mobilisation assez impressionnante des avocats contre le pass vaccinal. Et ce pratiquement dans toutes les villes, même les petites. Cela peut servir de catalyseur et le pouvoir devrait s’en méfier.
Algérie54:A moins de quatre mois des élections présidentielles françaises, la France est plongée dans un discours d’islamophobie et d’attaques d’immigrants, à l’instar d’Eric Zemmour, Marine Le Pen, ces derniers ont-t-ils les chances de devenir les prochains locataires du Palais de l’Élysée ?
Jacob Cohen:Je ne crois pas que l’un des deux candidats extrémistes arrivera jusqu’à l’Élysée. D’abord ils se divisent et divisent leur électorat commun au risque de ne pas être au second tour. Ensuite ils sont trop clivants pour espérer battre Emmanuel Macron, s’il se représente, ou Valérie Pécresse, plus consensuelle. Les électeurs français, au moment décisif du scrutin, oublient leurs préventions et leurs critiques et se résignent à « faire confiance » à un candidat qui leur fera des promesses et paraîtra en mesure de se montrer responsable, de ne pas casser la baraque. De ce point de ce vue, l’électorat français est d’un conformisme confondant.
Algérie 54:L’allocution d’Emmanuel Macron à l’occasion du nouvel an, a suscité des critiques, notamment en ce qui concerne sa stratégie de gestion de la pandémie du Covid-19, avec la hausse des contaminations des derniers jours ?
Jacob Cohen:A mon avis, Emmanuel Macron n’a rien à craindre des critiques éventuelles contre sa gestion de la pandémie. Le peuple français, à une très forte majorité, reste encore dans un état de sidération et de peur. Il suit dans la même proportion toutes les directives gouvernementales, aussi irrationnelles et contradictoires qu’elles paraissent, comme le port du masque à l’extérieur ou l’obligation de renouveler un « vaccin » pas si efficace que ça. Les secteurs professionnels qu’on aurait pu penser les plus éclairés, professeurs, médecins, ingénieurs, avocats, universitaires, artistes, journalistes, etc. sont acquis à plus de 90% à la politique du gouvernement, par conviction, peur ou opportunisme. On assiste même dans les médias à des appels publics pour refuser de soigner les non-vaccinés, pour leur interdire les magasins d’alimentation, pour les enfermer. Le système moral et juridique français est en train de s’écrouler. A moins d’un événement dramatique d’ici aux élections, je verrai Macron réélu avec la quasi-reconnaissance des citoyens de les avoir sauvés de cette « terrible pandémie ».
Algérie54:La France préside depuis le premier janvier 2022, l’Union Européenne, a-t-elle des chances de mener à bien cette mission, dans un environnement européen marqué par le retour du concept de l’État-nation ?
Jacob Cohen:La présidence de l’Union européenne est une formalité. C’est plutôt un rôle d’animateur. Les véritables décisions se prennent ailleurs, à Bruxelles, à Berlin et surtout à Washington. L’Union européenne est définitivement acquise à l’oligarchie mondialiste et applique avec zèle ses directives. La crise du Covid, l’instauration d’une identité numérique à l’échelle européenne et l’achat de milliards de vaccins, l’ont amplement démontré. Pour le moment, je remarque que le concept de l’État-nation et ses velléités d’application sont circonscrits à quelques pays de l’ancienne Europe de l’Est, trop dépendants des subventions de l’UE. Dans la vieille Europe, le mouvement est présent mais minoritaire, et en butte à tous les sarcasmes de la bien-pensance. Il faudrait un événement d’une gravité exceptionnelle – comme l’effondrement de la manipulation vaccinale et l’hécatombe qui s’ensuivra – pour donner une vigueur irrésistible aux idéologies nationalistes.
Algérie54: La France est de plus en plus décriée dans les pays du Sahel où les populations sont favorables au retrait des troupes militaires françaises. La France a-t-elle des cartes pour faire face au sursaut du panafricanisme et la montée de la concurrence russo-chinoise ?
Jacob Cohen:La France poursuit inexorablement son déclin sur le sol africain. Le mouvement semble irréversible. Les populations supportent de moins en moins les diktats venant de l’ex-métropole. On peut même s’étonner de la longévité de la Françafrique. Mais tout a une fin. Les Chinois et les Russes proposent d’autres schémas de coopération. D’autres puissances de moyenne importance comme la Turquie s’investissent en Afrique. Les peuples africains rêvent d’autres horizons que l’ancien colonisateur, qui n’a en plus rien perdu de sa morgue. La crise du Covid n’a pas arrangé les choses. Les Africains utilisent les traitements précoces diabolisés injustement par l’Occident et viennent de refuser ou de détruire des millions de vaccins. On peut éventuellement parler d’un fossé civilisationnel qui se creuse entre l’Afrique et ce même Occident.
Algérie54: La question de la mémoire continue d’empoisonner les relations algéro -françaises à quelques mois du 60ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie ; Quel est votre avis sur ce sujet ?
Jacob Cohen:Si cette question demeure aussi vivace, c’est que les deux pays n’ont pas pu, ou voulu, ou pas en même temps souhaité, trouver la volonté d’affronter l’ensemble des problèmes qui se posaient et de leur apporter une solution équitable et pérenne. Il y a eu aussi certainement des occasions manquées de part et d’autre. Le gros problème actuel, au fond, c’est l’instrumentalisation de la question à des fins de politique intérieure en France ou d’opportunisme politique en Algérie. C’est une question sensible et à multiples facettes. Peut-être faudra-t-il réunir un congrès franco-algérien avec des spécialistes de tous bords en dehors des politiques. Je pense qu’il en sortira une ébauche de solution.
Algérie54:Paris est de plus en plus critiqué par la Chine et la Russie, dont les dirigeants qualifient la France de girouette de Washington ?
Jacob Cohen:C’est hélas ! la triste réalité. Paris vit sur le mythe d’une grande politique étrangère audacieuse et indépendante. Que reste-t-il à la France en dehors de son armement nucléaire et de son siège permanent à l’ONU ? Privilèges qu’elle serait même prête à partager avec l’Allemagne. Sa parole a été prise en défaut avec l’annulation de son contrat de vente de deux navires à la Russie sur pression américaine. Trahison qu’elle paiera avec l’abandon par l’Australie d’un méga-contrat sur plusieurs sous-marins. Ses fleurons industriels comme Alstom sont vendus à l’encan. De même pour ses hôtels particuliers et ses vignobles. Ne restent que quelques gesticulations pathétiques qui n’impressionnent plus grand-monde.
Entretien réalisé par M.Mehdi
Source: Algérie54