La tribune de Sékou Camara, intitulée : « le mandat présidentiel en Afrique », publiée dans les médias en avril 2016, fait encore actualité en Guinée et en Afrique. Pour cette belle plume, avance que 90% de contraintes liées au changement sont d’ordre humain… lisez plutôt ci-dessous sa contribution !
Depuis l’amorce de la démocratie en Afrique dans les années 90, un seul sujet défraie la chronique à savoir la modification(violation) de la constitution en (SES)leurs articles portant sur la durée du mandat présidentiel. (Exception faite du Togo), dans tous les pays africains, la constitution fixe la durée du mandat présidentiel à cinq (5) ans renouvelable une fois.
Pourtant nous constatons qu’à la fin du deuxième mandat, presque tous les présidents (avec la complicité du peuple) tentent de modifier la constitution afin de briguer un troisième mandat. Qu’est-ce qui se passe dans la tête des présidents africains ? Nostalgiques d’un pouvoir à vie comme l’ère d’après les indépendances ? Ou nostalgiques de l’Afrique des royaumes ? Autant de questions est celle que l’Afrique est mal partie de Renée Dumont ou celle-là que l’Afrique n’est pas prête de Sarkozy par exemple. Ces présidents ne les donnent t’ils pas raison ? Que je sache l’heure est grave et toute intelligentsia africaine est interpellée pour mettre un terme á cette violation qui, au lieu de faire avancer la démocratisation du continent, le plonge dans les guerres civiles sanglantes et pire dans l’éternel combat de lutte pour le développement.
Et c’est malheureux de constater que les acteurs (société civile, partis politiques d’opposition et syndicats) qui sont les tombeurs(de la chute) des régimes de parti unique dans beaucoup de pays, n’ont aucune expérience politique. La preuve, l’organe législatif de transition mise en place constituée majoritairement de ces acteurs vote une (la) constitution taillée sur mesure . Et l’éternel recommencement car chaque nouveau gouvernement met sur la touche le précédent et sans retenue aucune.
Je n’ai pas la prétention de vexer qui que ce soit, mais plutôt décrire certaines réalités africaines telle que je les perçois entant que citoyen afin de susciter le débat pour la recherche de solution idoine pour résoudre l’épineux problème du mandat présidentiel en Afrique.
Force est de reconnaître qu’après le départ du colon, l’africain au lieu de revenir au niveau réel de son évolution socio-économique la où le colonisateur l’avait trouver, il a préféré enjamber les étapes du développement socio-historique pour se trouver dans une République hypothétique qui de nos jours devient la « Rue publique ». C’est dire que le peuple africain ne s’est pas émancipé mais on (le colon) la émancipé.
Ainsi, les chefs d’Etats africains se font appeler Présidents mais ils agissent tous comme des Rois et les peuples qui sont des citoyens dans une République, se comportent comme des sujets. Comment voulez vous qu’un roi mette volontairement fin à son règne ou que les sujets le fassent ?
Mieux le mimétisme de l’africain toujours prêt à imiter sans discernement veut aller au même rythme dans la démocratisation du continent comme l’occident démocratique il y à plusieurs siècles.
Savez vous que c’est seulement en 1948 que les femmes ont eu droit de vote dans la France démocratique depuis la Révolution française? Que le mandat du Chancelier (premier Ministre) dans un régime parlementaire est illimité en Allemagne ? Que la France est à son troisième quinquennat ? Que tous les Présidents qui tentent de modifier leur constitution en son article portant durée du mandat ne demandent qu’un troisième mandat de cinq (5) ans soit quinze ans avant de quitter le pouvoir ?
Ces interrogations nous interpellent à rechercher une solution médiane entre une présidence à vie et à un mandat de cinq (5) ans qui dans la pratique ne reflète plus la réalité tellement la tentation de modification de constitutions fait légion en Afrique sans que les cas d’échec ne servent de leçon.
Comme la constitution est la forme normalisée des règles de vivre ensemble dans une société, dès lors qu’elle cause plus de problèmes que de biens, elle mérite de s’adapter à la réalité. En regardant de près, on s’aperçoit que soit le mandat présidentiel de cinq (5) ans a été imposé à l’Afrique ou elle l’a adoptée par mimétisme.
Penser que l’Afrique peut aller ou doit avancer au même rythme dans sa démocratisation que l’Europe est une erreur, une grosse erreur. Ne pas reconnaître que la démocratie telle que pratiquée ailleurs dans le monde doit lui permettre d’avancer plus rapidement dans son processus de démocratisation est une faute.
A observer les tentatives de modification de constitutions pour cause de mandat présidentiel, deux options s’offrent à nous :
- soit un mandat de cinq (5) ans renouvelable deux (2) fois ;
- soit un mandat de sept (7) ans renouvelable une fois.
Ces deux propositions qui ont le mérite de s’égaler en durée et satisfaire ceux qui veulent un mandat illimité sans oublier que cela n’est plus possible et ceux qui sont pressés d’accéder au pouvoir sans aune certitude qu’ils feront mieux faire que leurs prédécesseurs. Au niveau actuel du développement socio-économique de l’Afrique une durée de 14 à 15 ans au pouvoir pour un Président ne semble pas être longue sachant que tout changement dans une société passe celui des mentalités et 90% des contraintes dans le changement sont d’ordre humain.
Si dans un mandat de 5 ans pour un Président arrivé au pourvoir dans le cadre d’une alliance électorale, la première année est gérée par un Gouvernement de récompense et la dernière consacrée à la campagne pour la réélection du Président où il faut faire des yeux doux à la population pour la mobilisation de leurs voix. C’est dire que sur 5 ans, le Président n’a pratiquement que 3 ans pour la matérialisation de son projet de société, soit 6 ans sur une durée de règne de 10 ans.
Cette période est relativement courte pour un changement de mentalité dans beaucoup de pays africains dont les Etats ont connus une déconfiture suite aux guerres civiles ou à une amorce ratée de la démocratisation. Mieux, un mandat de 5 ans renouvelable 2 fois (soit 15 ans) ou 7 ans renouvelable une fois (soit 14 ans) correspond non seulement à l’intention de la plupart des Présidents en poste, mais aussi au niveau actuel du processus démocratique en Afrique. Cependant, cette modification de la constitution sur la durée du mandat présidentiel ne doit s’appliquer au Président en exercice.
C’est à ce prix que l’Afrique pourra éviter sinon limiter la modification des constitutions. Comment comprendre qu’après plusieurs siècles de démocratie en Europe, les présidents français François MITTERRAND a présider pendant 14 ans soit deux septennats, Jacques CHIRAC 12 ans (un septennat et un quinquennat) et Angela MERCKEL 12 ans (trois mandats de 4ans) et par mimétisme l’Afrique qu’exige ou l’on l’exige 10 ans de pouvoir pour les Présidents d’un continent qui est à son début dans la démocratisation ?
Comment les institutions peuvent elles être fortes si les hommes qui les animent ne sont pas forts ? De Gaule ne disait-il pas « qu’on ne peut rien faire de grand sans les grands hommes, car ceux-ci le font pour l’avoir voulu ». L’Afrique doit d’abord former des grands hommes si elle veut que ses institutions soient fortes pour une démocratie garantie et la formation de l’homme prend du temps qu’elle doit se donner plutôt d’aller au même rythme que les vieilles démocraties.
Si l’Afrique ne prend pas garde, la démocratisation au lieu d’être un levier pour son développement risque d’être un frein par des manifestations intempestives de l’opposition qui ralentissent dangereusement les activités économiques si elles ne débouchent pas sur une guerre civile aux conséquences incalculables.
L’Afrique doit rechercher sa propre voie de développement qui s’adapte aux réalités tout en lorgnant ce qui se passe ailleurs. Ce travail revient aux intellectuelles et aux hommes politiques qui, comme des bons pères de famille doivent mettre l’intérêt de la nation au-dessus des leurs et se sacrifier pour les générations futures.
Sékou CAMARA, DG/OGC
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