De toutes les causes qui entravent le développement de notre pays la Guinée, l’instrumentalisation politique de l’ethnie en est la principale cause, car c’est telle que découle, pour l’essentiel, les antivaleurs qui le minent aujourd’hui tels que (le favoritisme, la corruption, laxisme, la violence politique, etc.).
Après les évènements dramatiques de ces dix dernières années qui ont de nouveau exalté nos instincts les plus grégaires (soif de vengeance ethnique, opposition Nord/Sud, des recrutements éthiques dans l’armée, fonction publique, etc.), nous faisant perdre du coup une certaine part de notre humanité, il me semble aujourd’hui impérieux de récuser toutes les velléités tendant à instrumentaliser de nouveau politiquement les ethnies de la Guinée.
Le débat politique doit impérativement, me semble-t-il, tendre à devenir un réel débat d’idées, bien que cela soit encore difficile dans le contexte Guinée actuel, faute d’esprits éclairés susceptibles de transcender la « pensée populaire » et de servir de repères.
Pour ma part, l’ethnie doit uniquement demeurer un support de nos différenciations linguistiques, sociologiques et culturelles. Les sophismes du type » majorité ethnique égale majorité démocratique » doivent être une fois pour toute récusés, en raison de leurs conséquences sociopolitiques indéniablement bellicistes ( le cas récent du Rwanda).
Ils doivent l’être aussi dans la mesure où ils remettent en cause non seulement le principe même de l’alternance, en faisant de la démographie la variable de régulation de la vie politique, en lieu et place du débat d’idées contradictoire, mais aussi et surtout parce qu’ils ne peuvent que vicier le principe même de démocratie.
L’adhésion à un parti politique doit se faire sur la base d’une communauté de convictions politiques et non sur la proximité ethnique ou tribale.
La prise en compte nécessaire dans le débat politique guinéenne de nos communautés linguistiques sociologiques et culturelles que sont les ethnies ne doit se faire qu’à travers une véritable politique de décentralisation. L’accent doit être mis sur la prise en compte réelle de l’espace local en tant que lieu d’une mixité nécessaire et salutaire, et de l’acteur local.
Afin de favoriser justement la mixité sociologique, porteuse d’une citoyenneté guinéenne débarrassée des affres de l’ethnisme, des nouveaux découpages obéissant plus à des stratégies de développement local qu’à la satisfaction de nos instincts grégaires (haine de l’autre, supposé différent) devraient être envisagés.
L’ethnisme en tant qu’idéologie fasciste basée sur l’instrumentalisation politique de l’ethnie et la propagation de la haine de l’autre, entendu ici celui qui appartient à une autre ethnie, doit être distingué de l’amour légitime que chacun de nous peut avoir pour son ethnie en tant que support de son identité linguistique, sociologique ou culturelle, mais aussi et surtout comme moyen de dialogue et d’échange avec l’autre.
Il convient donc pour chacun de nous de prendre un peu congé du discours ambiant et des faits divers pour considérer en leur fond les problèmes de notre pays, dont l’événementiel et la pensée unique et inique de nos politiciens et pseudo-intellectuels continuent à nous voiler la réalité et la complexité, distrayant ainsi notre indispensable réflexion sur leur véritable nature.
L’enjeu aujourd’hui est de susciter l’émergence de la citoyenneté et non de promouvoir le repli identitaire aux relents xénophobes et sectaires. Cette tâche incombe aussi bien à l’intellectuel conséquent, à l’homme politique responsable, qu’à toutes les forces de progrès de notre cher pays la Guinée.
Par Alpha Ibrahima Condé
NB: Alpha Ibrahima Condé est chimiste de formation. Très prolifique en matière d’analyse en prose…