Le Front Républicain et ses membres, malgré l’illégalité du putsch du 5 septembre et les crimes de sang qui en ont émaillé, n’ont ménagé aucun effort en vue du meilleur dénouement possible pour la stabilité de la République et de ses institutions. Mais nous remarquons qu’à chaque fois que nous encourageons le CNRD à la refondation, à chaque fois que nous encourageons le CNRD au républicanisme, l’éternelle clique nous taxe de vouloir entraver la réussite de la transition. Pourtant c’est nous plus que quiconque qui œuvrons pour la réussite de cette transition. Parce que c’est nous qui proposons des solutions favorables à toutes les composantes de la Nation, pendant que d’autres veulent imposer leurs logiques. C’est encore nous qui proposons une conférence nationale pour corriger les erreurs du passé et permettre au raffermissement de la fraternité républicaine. C’est surtout nous qui combattons la haine et l’esprit de vengeance là où les nébuleuses promeuvent insidieusement la vengeance au nom d’une justice sélective. Nous sommes allés jusqu’à fermer les yeux sur nos compatriotes assassinés lors du coup d’État, tout ça pour faciliter la tâche au CNRD dans sa prétendue volonté de refondation. Donc c’est nous qui accompagnons véritablement la transition paisible en vue de la refondation de la Nation. Et c’est dans ce même ordre d’idée que nous demandons la libération du Président Alpha Condé, en ayant bien sûr, une pensée pieuse pour toutes les victimes de la République. Malheureusement, nous constatons que le CNRD obéit à des officines françafricaines qui veulent détruire tout ce qui constitue un rempart au pillage de la Guinée.
Hier c’était Dominique Weerts, officiellement consultant électoral et potentiel conseiller français de la junte qui, présent en Guinée pour des raisons peu claires, affirme ouvertement lors de son passage sur FIM FM, que le président Alpha Condé et les dignitaires de son régime seront tous jugés. Ainsi, c’est aux autres de décider du sort des dignitaires de la République ? Aujourd’hui, c’est Ibrahima Chérif BAH, l’ancien gouverneur de la Banque Centrale qui réagit énergiquement à notre appel à la libération du président Alpha Condé. Selon lui, le président Alpha Condé doit répondre de ses actes. Il appelle à la répression contre les dignitaires de la République qu’il traite confusément de « promoteurs du troisième mandat ». Selon lui, la réussite de la transition passera par le jugement du président Alpha Condé et des dignitaires de son régime. Il appelle à être « sans pitié envers eux ».
Nous renouvelons notre soutien à la volonté affichée du CNRD à établir une société juste et démocratique en Guinée. Mais nous récusons sa démarche sélective. Nous craignons que le CNRD dans ses incohérences ne commette d’autres injustices ou permette aux uns de régler des comptes en lieu et place de la justice. Ce qui risque à coups sûrs de fragiliser davantage notre tissu social déjà sérieusement amoché. Nous regrettons que le CNRD se livre constamment à des scènes d’humiliations des dignitaires de la République. Nous regrettons que le CNRD n’ait pas encore publié la liste de ses membres pour que le peuple souverain sache ce qu’il en est. Nous regrettons également que les membres du gouvernement n’aient pas déclaré leurs biens avant de prendre fonction. Nous regrettons les manœuvres d’affaiblissement des forces de défense et de sécurité au moment où les menaces de toutes sortes refont surface dans la sous-région. En effet, des retraites anticipées infligées aux officiers efficaces ne servent pas la cause de la justice. Colonel Pivi, Généraux Fabou et Ansoumane Camara, Mamadouba Paye Camara, Fodé Chapeau Touré, I. Baldé… de grands officiers qui ont fait chemin de la base au sommet en rendant d’énormes services à la Nation sont « radiés » de l’armée au terme d’une retraite anticipée. Quel est l’intérêt de cet affaissement de l’armée pour la sécurité intérieure et la défense extérieure?
Parlant d’audits, nous rappelons qu’en date 8 Mars 1999, I. Chérif BAH, gouverneur de la banque Centrale de la République de l’époque, avait demandé le transfert de 10 millions USD du compte de la BCRG auprès du crédit Suisse vers le compte d’une entreprise Américaine Armstrong & Detgen. Ces fonds étaient officiellement destinés à une ONG dénommée Humanity for the word Inc, qui ne les a jamais reçus. Mais selon M. BAH, il aurait agi sous les ordres du Général Conté. Je le cite: « Il s’agit du transfert de 10 millions de dollar effectué il y a quatorze ans quand j’étais gouverneur de la Banque Centrale. J’ai toujours expliqué et je le répète encore que j’ai exécuté une Instruction Stratégique du Premier Magistrat de la Nation et tous les documents sont à la BCRG dans des archives bien conservées… »
Or, dans un autre fax transmis à M. BAH, l’entreprise destinataire des fonds Amstrong & Detgen affirme qu’ils vont commencer le processus de sécurisation et du placement des fonds dès la réception ( of your funds) = dès la réception de « vos fonds ». Donc les fonds initialement destinés à l’ONG Humanity for the word, ont finalement fait l’objet d’un placement au nom de M. BAH par l’entreprise américaine Amstrong & Detgen. Pourquoi ce virement à cette ONG pendant que la Guinée totalement exsangue à l’époque, peinait à satisfaire ses obligations ou même à assurer le minimum vital à ses citoyens. A supposé que les fonds aient servi à des fins d’urgences humanitaires, pourquoi l’ONG Humanity for the world n’a-t ‘elle jamais confirmé avoir reçu les dits fonds ? Pourquoi M. BAH n’a fourni aucun ordre de mission ou toute autre justificatif pour soutenir ses allégations, étant donné que Lansana Conté ne vive plus ? Qui faut-il croire : le fax qui précise que « ses fonds à lui » seront sécurisés et placés, ou bien la simple parole de M. BAH?
Voici l’homme qui appelle aux audits du régime d’Alpha Condé. Nous sommes pour les audits en Guinée, nous sommes pour la transparence et la justice, mais ceci n’est pas le combat de Mr Chérif BAH. Bien au contraire, il doit être interrogé sur la destination des fonds qu’il a transférés au crédit suisse. Parce que dix (10) millions de dollars, c’est des dizaines d’écoles et d’hôpitaux, des cités de solidarité pour les handicapés, des centaines de couveuses… Mr Bah et tant d’autres ont contribué à la déliquescence de notre pays. Il figure parmi les cadres véreux qui ont agenouillé notre économie nationale. Il est moralement inconcevable qu’il joue éhontément aux donneurs de leçons, alors que sa place est sur le banc des accusés. Ceci est une vérité tangible.
Concernant le jugement du président Alpha Condé, Mr Bah évoque la charte de la CEDEAO. D’abord, il faut préciser qu’il s’agit de la « charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance » et non de la charte de la CEDEAO. En effet, dans son chapitre VIII (articles 23-26), la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance prévoit des sanctions en cas de changement anticonstitutionnel de gouvernement. A ne pas confondre avec un changement de constitution. En Guinée, il s’est agi d’un référendum dont la base légale fut justifiée par l’élite juridique de la Guinée. Dr Zogbélémou Togba, Alia Diaby, Dr Bangoura… tous d’éminents juristes et membres du CAMES dont la renommée dépasse le cadre national, ont justifié du bien-fondé juridique de ce référendum. Même si nous pensons quant à nous que l’article 51 ne peut valoir fondement juridique pour soutenir le bien-fondé légal de ce référendum, mais de quelle légitimité disposons-nous pour qualifier un acte juridique émis par une institution légale dotée d’un mandat populaire ?
En 2020, il n’y a pas eu changement anticonstitutionnel de gouvernement. Non ! Il y a eu changement de constitution au terme d’un référendum organisé en vertu de l’article 51 de la constitution de 2010. Les doctrinaires peuvent discuter de la pertinence de l’article 51 en tant que fondement de ce référendum, mais au regard du taux de participation à ce scrutin, l’on ne peut démontrer le rejet de la population pour ce changement de constitution. Car, hors-mis les bastions de l’opposition, force est de reconnaître l’engouement de la population pour ce changement de constitution partout sur l’étendue du territoire national.
Alors sur quelle base juridique, les dignitaires de la République doivent être poursuivis pour avoir proposé une nouvelle constitution ? La soumission au référendum d’une constitution constitue-t-elle une infraction ? La Côte d’Ivoire, le Mali, le Sénégal ont tous proposé une révision constitutionnelle ou émis une nouvelle constitution. La révision constitutionnelle est une procédure juridique régulière, du moment où les procédures sont respectées. C’est peut-être là où nous pourrions reprocher des choses aux juristes qui, à notre sens, ont voulu faciliter la démarche en usant de l’article 51 de la constitution, alors qu’une procédure régulière existait pouvant aboutir à une nouvelle constitution. Mais l’on ne peut valablement poursuivre ni le Président Alpha Condé, ni les dignitaires de son régime pour avoir soumis au peuple par voie référendaire, une nouvelle constitution. C’est un droit constitutionnellement reconnu à la fonction de Président de la République. Cette confusion entretenue par des journalistes militants entre « changement anticonstitutionnel de gouvernement » et « changement de constitution » est inopposable au président Alpha Condé et préposés. « Les changements anticonstitutionnels de gouvernement » se produisent suite à une opération d’accession au pouvoir en dehors du cadre constitutionnel en violation des principes démocratiques et des normes de l’État de droit ». Comme c’est le cas du putsch du 5 septembre 2021. Leurs auteurs peuvent être pénalement poursuivis au terme de l’article 23 de la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.
Nous voyons bien que la clique françafricaine est obsessionnellement guidée par un désir de vengeance contre ceux qui les ont sortis du jeu. Cette histoire de répression contre « les promoteurs de troisième mandat » n’est qu’un prétexte pour politiquement éliminer ceux qui gênent le retour de la françafrique. Sinon Mr Chérif Bah était gouverneur de la Banque Centrale lors de la révision constitutionnelle de 2001. Il en était l’argentier en quelques sorte. Le président de son parti en était l’un des parrains, pourquoi ne seraient-ils pas inquiétés ? C’est plutôt eux qui influencent le CNRD dans ses sélectivités.
Enfin Mr Bah parle des crimes de sang, des crimes auxquels le groupement des forces spéciales n’est pas étranger. Parce que des vidéos existent, d’horribles images du colonel Doumbouya en personne traînant des corps sans vie de militaires mutins opposés à la révision constitutionnelle en 2020. C’est en connaissance de cause que nous avons quant à nous, précisé dans notre mémorandum que le procès du président Alpha Condé équivaudrait au procès du Colonel Mamady Doumbouya. C’est en connaissance de cause que nous proposons une autre approche de la question des crimes de sang dans notre pays, parce que conscients que ces crimes ont touché toutes les composantes de la Nation. Conscients surtout que tous les régimes ont leurs lots de crimes. Vouloir juger les seuls crimes commis sous le régime du RPG, ce serait cautionner une autre injustice. Mr Bah par exemple, devrait s’expliquer sur son rôle passif lors des crimes de sang survenus en Guinée pendant qu’il était gouverneur de la Banque Centrale. Mais nous savons tous que son parti rendrait le pays ingouvernable lorsqu’il serait question de l’incriminer. Alors pourquoi les uns devraient être jugés et les autres protégés ?
Nous voyons aisément que la tendance françafricaine est au règlements de comptes et à l’acharnement contre Alpha Condé. Sinon l’on ne peut appeler à la tenue des audits pour le seul régime du président Alpha Condé alors que lui-même Chérif Bah traîne des casseroles. Tout comme l’on ne peut réclamer justice pour les seuls crimes politiques commis sous le seul régime d’Alpha Condé si nous voulons réhabiliter toutes les victimes de la République. Tout comme l’on ne peut réclamer la récupération des domaines de l’État pour les uns et laisser d’autres en disposer illégalement. Tout cela prouve à suffisance que plutôt la justice, c’est la vengeance qui est recherchée par les conseillers du CNRD. Et c’est bien là, le problème.
Au regard de l’évolution des derniers événements, nous nous adresserons dans les jours et semaines à venir au CNRD, mais aussi aux institutions de la communauté internationale. Nous ferons une main courante à la CEDEAO sur le danger qui guette notre pays avec le CNRD à sa tête. Avec les dernières évolutions, nous sommes en droit de nous interroger sur la capacité du CNRD à tenir ses promesses. Le seul intérêt de rupture de l’ordre constitutionnel devrait être l’opportunité de refondation de la Nation. C’est dans cet ordre d’idées que nous avions sollicité l’organisation d’un dialogue national inclusif en vue de donner à notre pays une nouvelle orientation. Sinon le contexte international est totalement opposé aux prises de pouvoir par la force. La CEDEAO dans sa charte punit les putschs et leurs auteurs. L’article 23 et suivant de la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance condamne les putschs et changements anticonstitutionnels de Gouvernement, et appelle à la poursuite contre leurs auteurs. Le conseil de sécurité des Nations Unies, quant à lui, peut saisir la cour pénale internationale pour poursuivre les auteurs de crimes de sang commis lors des putschs. C’est en connaissance de cause que nous invitons le CNRD à adopter une démarche réparatrice envers les familles des soldats tombés dans la résistance. Si le CNRD veut faire justice, qu’il commence par ses propres victimes avant de réhabiliter toutes les victimes de la République sans discrimination.
Que Dieu bénisse la Guinée et l’Afrique !
Par Kémoko Camara