Le manque de financement est le problème majeur qui retarde le processus de développement en cours des pays africains. Le sous-développement de l’Afrique n’est pas lié à un déficit d’intellectuels, mais à un problème de financement pour répondre à nos ambitions de développement. Sinon les peuples d’Afrique à l’instar de certains peuples, ont produit de grands cerveaux dans tous les domaines : des savants comme le sénégalais Cheikh Anta Diop ou le sud-africain Gordon Mayhew-Ridgers… des grands économistes de renom comme le ghanéen Georges Ayitteh, le soudanais Mo Ibrahim ou l’égyptien Samir Amin, des historiens comme Joseph Ki-zerbo, les plus grands artistes, des philosophes comme Wolé Soyinké ou Mongo Beti, des juristes, les plus grands acteurs sportifs et culturels au monde… Les peuples d’Afrique ont largement contribué à la civilisation universelle à l’instar des grands peuples qui ont façonné l’humanité.
Mais l’obstacle au boom Africain, au décollage africain malgré cette pléthore de cerveaux, reste tributaire du manque de financement de nos ambitions de développement, notamment sur le plan énergétique, industriel ou infrastructurel. Ce qui le plus souvent, pousse nos États à recourir aux institutions calamiteuses de Bretton Woods (pire recours en matière de financement), ou vers la Chine. Et c’est justement la Chine qui a comblé ce vide. Elle a créé une banque « afro-exim bank » avec plus 500 milliards de dollars us destinés à financer des projets de développement en Afrique. La coopération sino-africaine a permis de transformer des pays comme l’Éthiopie, la Tanzanie, le Kenya, le Nigeria… Elle a permis à la Guinée de rattraper son retard sur le plan énergétique en y investissant trois (3) milliards de dollars us pour la construction de trois méga barrages. Elle a permis au Sénégal de Wade de réaliser des infrastructures modernes et de financer la création de la nouvelle ville de Diaminiodio (des projets qui sont encore en cours de réalisation aujourd’hui),
Il faut rappeler que le PIB du Nigeria dépasse les richesses cumulées de la Grèce, de la Bulgarie et de l’Estonie réunies. Il faut préciser que l’Éthiopie, jadis en proie à la malnutrition, est une puissance émergente qui surclasse nombreux pays de l’Union Européenne : la Slovenie, la Finlande, le Chypre, le Malte, la Bulgarie… Il faut préciser que l’Afrique ne se résume point aux pays du Sahel, ou à ces quelques pays qui triment : la Guinée-Bissau, la Gambie, le Sénégal, la Guinée… L’Afrique, c’est surtout cette vingtaine de pays qui émergent : Le Nigeria, l’Afrique du Sud, L’Égypte, l’Éthiopie, le Maroc, le Kenya, la Tanzanie, l’Algérie… dont le plus faible PIB est supérieur à 100 milliards de dollars us pas an. Il faut savoir qu’en dix(10) ans de coopération avec la Chine, nombreux pays Africains se sont transformés. Il est donc impossible pour l’Afrique de fermer la porte à son meilleur partenaire. Si les USA veulent concurrencer la Chine en Afrique, qu’ils investissent en Afrique, comme ils l’ont fait jadis en Europe et en Asie. Mais l’Afrique ne sera la chasse gardée d’aucune puissance.
Quant à la Russie, sa coopération a permis de renforcer, de moderniser des armées comme celles du Nigeria, de l’Afrique du Sud, de l’Éthiopie… Il faut rappeler que l’Algérie a investi 7 milliards de dollar us dans l’armement en 2021. La coopération russe a permis par ailleurs de stabiliser la République Centrafricaine, de vaincre Boko Haram au Cameroun, de suppléer à l’échec de la France au Mali et au Burkina… Si le Mali tient aujourd’hui, c’est en partie grâce à sa coopération militaire avec la Russie. Même si elle reste insuffisante. Donc l’Afrique n’a pas intérêt à s’aligner derrière une super-puissance contre une autre. Notre option en tant grande Nation, ce n’est pas de nous aligner, mais de trouver notre place dans le concert des puissances. Le monde est dirigé par trois superpuissances : Les USA, la Chine et la Russie. L’Afrique compte coopérer avec chacune d’elles sur des bases justes sans s’en référer à l’autre. Au-delà de ces trois superpuissances, l’Afrique restera connectée avec les autres puissances : l’Union Européenne, la Grande Bretagne, l’Inde, la Turquie…
En tant que panafricaniste, mes amitiés et mes sentiments personnels ne pèsent pas un gramme face aux intérêts africains. A ce titre, je souhaiterais que les prochaines rencontres aboutissent à de meilleures résolutions que l’isolement de la Russie ou le financement de 55 milliards us pour 54 États. 55 milliards de dollars us de la part de la première puissance économique mondiale, alors que les besoins d’urgence du continent s’élèvent à plus de 300 milliards de dollars us, cela témoigne du manque de volonté. Quel était donc l’intérêt de ce sommet, si c’est pour nous léser et nous donner des injonctions à isoler la Russie et la Chine ? Quel est l’intérêt pour nous Africains d’isoler la Russie et la Chine ? Ou bien c’est les USA qui doivent décider d’avec qui nous devrions coopérer? C’est justement cette posture paternaliste qui a fini par écorcher l’image du monde occidental sur le continent africain. Parce que la nouvelle génération que nous sommes, reste réfractaire au plus haut point à ces partenaires qui se pensent légitimes à connaître de nos intérêts à notre place. L’Afrique d’aujourd’hui, forte de son héritage panafricaniste, ne vient pas à ce sommet pour mendier, elle vient pour coopérer et n’attend rien sinon que l’établissement des relations sur des bases équitables.
En tant qu’humaniste, nous sommes pour une Afrique ouverte sur le monde, une Afrique qui se développe grâce aux investissements directs étrangers comme l’ont réussi la Chine et l’Inde. Il serait donc souhaitable que des grands industriels soient invités à ces rencontres pour discuter des possibilités d’investissements. Nous prônons au quotidien une société humaniste qui triomphe des peurs et des populismes. Mais il est inacceptable que l’Afrique continue d’être le dindon de la farce. Donc, si nous saluons le renforcement des relations entre les USA et l’Afrique, nous regrettons tout de même que ce sommet ait été réduit à un espace de conflit géopolitique entre les USA et ses rivaux. Nous regrettons qu’il n’ait pas été question de grandes écoles, d’hôpitaux de qualité, d’investissements dans les domaines énergétique, infrastructurel ou industriel. Nous souhaitons que les prochaines rencontres tiennent compte des besoins réels de l’Afrique et des USA.
Que Dieu bénisse l’Afrique…
Kémoko CAMARA